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Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 27 septembre 2024

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Le meurtre de Philippine : une épine indélébile, indécemment montée en épingle

Contre les spoliations, le brutal moralisme civilisationnel ou constitutionnel, le fléau des meurtres en série et des pogroms, et malgré tout, les sanctions disproportionnées ; pour la rectification des trajectoires, des parcours, des vocations, des votations... à l'écart de tout soupçon, et pour la réification de la douce et poétique, jamais, ô jamais possessive, anormalité...

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Tribune : le meurtre de Philippine, reflet des failles de la société française ; plus qu'un détail morbide ou devant être monté en épingle par les pingres, par ceux qui en pincent pour la polémique, un drame moderne, qui sera forcément dépeint avec des mots ternes...

Ce texte se veut un humble hommage à une famille meurtrie, probablement à peine remise, rétive au pardon, car inconsolable devant l'inconcevable...

Le meurtre de Philippine, une étudiante de 19 ans, suscite une émotion nationale et soulève des questions profondes sur la société française et ses institutions, ses traditions, son seuil de tolérance vis-à-vis de ses éléments les plus incontrôlables, de ses démentis, de ses vieux démons, question incontournable aujourd'hui.

Ce drame tragique met en lumière des failles qui touchent à la fois la gestion de la sécurité publique (I), la justice (II), la prévention (III) et la politique migratoire (IV).

Alors que l'on apprend que le suspect, Taha O., un homme de 22 ans, déjà condamné pour viol alors qu'il était mineur, faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), ce crime révèle un enchaînement de dysfonctionnements, symptomatique d'une société en crise, et non une simple goutte d'eau faisant déborder le vase, une société dont la "vase" remonte parfois à la surface du lac ou de la rivière, manquant cruellement d'un vasistas ouvert de façon à coexister.

I/ Un suspect sous le coup d'une OQTF : la question de l'application des mesures de sécurité

La première interrogation qui surgit face à ce drame est celle de la gestion des obligations de quitter le territoire français. Le suspect, Taha O., avait été condamné pour viol et, après sa peine, il était sous le coup d'une OQTF. Pourquoi cette mesure n'a-t-elle pas été exécutée ? Les OQTF se sont multipliées ces dernières années, mais leur application reste souvent défaillante.

Cette situation résonne comme une impuissance des institutions à gérer des individus dangereux, posant ainsi la question de l'efficacité et de la mise en œuvre des décisions administratives, provoquant les pires amalgames, les pires anathèmes, les pires approches, les pires accroches de l'actualité, des accrochages partisans à n'en plus finir, une montagne accouchant d'une "souris", sans mettre de sourdine, ni vouloir faire sourire...

Les décisions administratives, lorsqu’elles ne sont pas exécutées, contribuent à un climat d'inquiétude et de défiance vis-à-vis des autorités. La mort de Philippine met cruellement en lumière le fossé entre les lois votées et leur mise en œuvre effective. Cette réalité est d'autant plus frappante lorsqu'il s'agit d'un homme ayant déjà commis un crime aussi grave qu'un viol. Comment expliquer que des individus au passé criminel lourd ne fassent pas l'objet d'un suivi plus rigoureux, qu’ils puissent circuler librement malgré une injonction de quitter le territoire ?

Comment éviter de jeter l'opprobre sur tous les travailleurs étrangers, qui acceptent d'effectuer, d'exécuter les travaux les plus ingrats, les moins gratifiants, les moins bien payés, les moins bien rémunérés ? Comment concilier nécessité de respecter l'ordre public et la protection des droits fondamentaux reconnus à tous les résidents ? Comment parler de l'immigration autrement qu'avec des visées électoralistes, que ce soir d'ailleurs pour electrifier le débat ou, au contraire, le dépassionner ? Pour contracter un pacte de non-agression, de non-disgressions vers des tourments, des turpitudes inutiles et extrêmement disgracieuses, une délicatesse certaine en ces jours de recueillement collectif...

II/ Violence et récidive : une gestion judiciaire à interroger

Le second point qui interpelle dans cette affaire est celui de la récidive. Condamné pour viol à un jeune âge, le suspect a ensuite commis un acte d'une violence inouïe. Cela pousse à une réflexion sur la gestion des condamnés pour crimes sexuels en France.

Le système judiciaire, et en particulier les modalités de réinsertion et de surveillance après la libération, semble avoir failli. Comment, dans une société où la question des violences faites aux femmes est plus que jamais au cœur des débats, un tel individu a-t-il pu récidiver, retrouver le chemin du mal absolu, repérer sa proie et la torturer à mort ?

III/ Au-delà du système judiciaire, une judicieuse mise au point sur les bienfaits de certaines mises en garde, de certaines mises au garde-à-vous graduées ?

Quels services sont-ils à blâmer, sans blesser les sensibilités, sans verser de la versatilité, sans heurter le caractère imposé, quasi-forcé, celui de la conciliation entre la neutralité, la sécurité, la fraternisation et la laïcité, enfin réunies, sous l'égide de l'Etat ? Pour concilier ces principes fondateurs, mais diffus, parmi tant d'autres, de notre République, il faut remonter aux origines de la Révolution française, celle qui aurait du s'épanouir, en incluant la totalité des êtres humains, sans être pervertie par les pressions étrangères, les massacres commis sous la Terreur...

Ces trois défauts initiaux sont certes à replacer dans un certain contexte : l'accumulation d'inégalités d'injustices, d'humiliations, à l'interstice de deux paradigmes, la nécessité d'unifier un pays et la "passion de l'égalité". Ces trois façons de se défausser sur les plus faibles, notamment les femmes et les esclaves noirs, mais aussi les plus pauvres qui ne pouvaient payer le cens ; sur les puissances ennemies, abasourdies par tant d'incrédulité, tant d'audace ; sur les réfractaires au centralisme jacobin et au service militaire "robespierriste", accusés de tous les maux. Avec pour chacune de ces horreurs, une même et unique volonté uniformisante, qui nous a tant coûté, qui nous a mené à la perte.

IV/ Le contexte migratoire et les dérives du débat public

Enfin, cette affaire soulève inévitablement la question du débat sur l'immigration. Déjà récupéré par certains pour nourrir un étrange discours sécuritaire, ce crime risque d'aggraver les tensions et de stigmatiser une fois de plus une population étrangère dans son ensemble. Taha O. est d'origine marocaine, mais son crime est avant tout celui d'un individu, non d'une communauté. Pourtant, dans le contexte actuel de crispations identitaires, ce fait divers tragique risque de nourrir des discours xénophobes, détournant l'attention des véritables causes structurelles de cette tragédie, des causalités de cette répétition des préjudices...

La réponse à cette violence ne doit pas être un repli identitaire, mais une réflexion sur les défaillances de l’État en matière de sécurité et de justice. C'est en agissant sur ces leviers que l'on pourra prévenir de tels drames à l'avenir, et non en jouant sur la peur et la division, sur l'erreur de la désunion, de la destruction des fondements au cœur de notre souhait de continuer.

Philippine : victime d’une société qui peine à se réformer

Philippine n’aurait jamais dû perdre la vie de cette manière. Son meurtre est le reflet d'une société qui, malgré de nombreuses alertes, n'arrive pas à protéger ses citoyennes et ses citoyens, en particulier ses femmes, face à une violence qui ne faiblit pas.

La question du suivi des criminels, de l’exécution des décisions de justice et du soutien aux victimes reste posée, et le meurtre de Philippine doit nous inciter à nous réformer en profondeur, nous inciter à nous rassembler sous les auspices de la maison commune et communément nommée la France...

La coexistence de différentes communautés, dans le cadre d'une société ouverte au pluralisme et respectueuse des croyances, avec une population de tradition judéo-chrétienne, peut-être plus ancienne, ne doit pas tourner au pugilat.

Le délitement des liens sociaux ne doit pas être un prétexte à tolérer l'inacceptable, ce qui fait sens dans le monde moderne, un prétexte pour maudire les musulmans, médire sur les juifs, pour ignorer tous les autres cultes, mais plutôt l'occasion d'une incantation à méditer avec la foi protestante, la foi catholique, dont les vertus particulières sont loin d'avoir été toutes explorées, sont loin d'avoir été toutes exposées, l'occasion d'une extrapolation à l'infini...

Contre les spoliations à toutes les époques, le brutal moralisme civilisationnel ou constitutionnel, le fléau des meurtres en série et des pogroms, et malgré tout, les sanctions disproportionnées ; pour la rectification des trajectoires, des parcours, des vocations, des votations... à l'écart de tout soupçon, et pour la réification de la douce et poétique, jamais, ô jamais possessive, anormalité...

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.