Tribune : 400 ans de résistance et de survie du peuple noir américain
Depuis 1619, date de l'arrivée des premiers Africains capturés en Angola, l'histoire de la communauté noire aux États-Unis s'écrit, s’inscrit par une oppression systématique, systémique et brutale, des femmes et des hommes noir.e.s qui ont foulé la terre considérée comme « promise » par les premiers colons espagnols…
Cette tragédie s’est concrétisée par la mise en place d’un système d’exploitation de « homme par l’homme » communément désigné par le terme de l'esclavage. Ce marché commercial d’êtres humains s’est mué en une institution profondément enracinée, qui a déshumanisé des générations entières, victimes du commerce du « Triangle d’or » organisé par les Européens.
Les esclaves étaient réduits à l'état de « bois d'ébène » (Voltaire), considérés comme de simple marchandises, et soumis à de cruelles lois légitimant une exploitation éhontée, en dehors de toutes primaires considérations humaines, soumis à des traitements innommables, innombrables, ignominieux déshonorant...
Tandis que la Déclaration d'indépendance de 1776 proclame que « tous les hommes sont créés égaux », la Constitution américaine (1787) légitime insidieusement la pratique de l'esclavage, ce qui renforce de facto le pouvoir des États esclavagistes. Cette hypocrisie a plongé des millions de Noirs dans une indicible souffrance, à l’origine de la création et du développement, toujours plus ancré, du système capitaliste de cette nation ; une souffrance qui se signe avec de l'encre d'un sang indélébile…
Pourtant, malgré cette entreprise de soumission jamais rassasiée d'avanies, d’avarices, chevillée au corps par le vice de la « négrophobie », les Noirs américains ont su résister et lutter. Des rébellions comme celle de Nat Turner (1831) et des figures emblématiques comme Harriet Tubman (années 1850-1860), Frederick Douglass (années 1840-1895) ou Ida B. Wells (à partir des années 1890) ont incarné cette résistance inébranlable.
La culture noire est également le symbole et l’apanage de mouvements comme la « Renaissance de Harlem », notamment lors de son apogée, de 1924 à 1929, mouvements qui ont réaffirmé l'identité et rendu une dignité à la communauté noire !
La lutte pour les droits civiques, menée par des leaders comme Martin Luther King Jr. et Malcolm X, ou issus des rangs des Black Panthers, a pu aboutir par leur combat à des avancées juridiques cruciales. Malgré tout, même après le décret de l'abolition de l'esclavage (1863), les Noirs ont continué à être marginalisés par des lois ségrégationnistes et réprimés par des violences raciales.
De nos jours, les plaies de cette histoire douloureuse restent toujours vivaces… L’élection présidentielle de 2024 aux États-Unis s’annonce comme un moment charnière dans l’histoire de ce pays. Alors que le passé douloureux de la domination raciale continue d’influencer les débats politiques, les candidats se retrouvent confrontés à une nation divisée. Les questions de justice sociale, d’inégalité économique, et de réformes systémiques demeurent au cœur des préoccupations, priorisées et triées selon un agenda parfaitement "monotone", qui n'étonne plus personne...
La communauté noire, qui a longtemps porté le poids de la lutte pour les droits civiques, observe avec une attention particulière les promesses et engagements des candidats. Ces élections pourraient être l’occasion de poursuivre le chemin vers l’égalité ou, au contraire, de renforcer les clivages. Les voix des descendants de ceux qui ont résisté et survécu à des siècles d’injustice seront décisives dans le façonnement de l’avenir du pays.
Il est, en effet, urgent de reconnaître les injustices et les inégalités historiques, de travailler à une réparation. La lutte pour la justice sociale ne doit pas faiblir, car l'égalité reste un objectif à atteindre. L'héritage de l'esclavage pèse encore lourd, et seule une action collective permettra de bâtir une société véritablement inclusive, "de la discrimination positive" (Eric Keslassy).
Les promesses de liberté et d'égalité doivent enfin devenir une réalité pour toutes et tous. Il est temps d'agir pour que la justice prévale, et que l'histoire du peuple noir américain soit reconnue à sa juste valeur : celle d'une résistance inégalable et d'une quête inlassable de dignité et de respect moral, d'accès aux ressources et aux biens en commun, d'un partage de richesse. Et ce, toujours avec un style inimitable, pour "être utile" (Lionel Jospin) ainsi que du touché, de la justesse et de la finesse, pour renforcer une gauche démocrate plurielle, notamment communiste et non vassale, non assimilable à un vestige, et qui a cessé de négliger, de nier la vitalité des classes dépassées, parfois passéistes ou passives, mais n'appartenant plus au passé, ni à un quelconque passif...
.Mehdi ALLAL, historien et juriste…
& Thomas KOFFI, directeur du réseau des musiques actuelles parisiennes (MAP).