Dans une époque où les regards se transforment en juges et les écrans en vitrines du paraître, nous devons interroger notre rapport à l'apparence. Nous sommes plongés dans une société où la hiérarchie des valeurs semble dictée par les contours du visage, la couleur de peau, la taille ou le poids, et où les attributions priment souvent sur l’essentiel, pimentent le réel...
Les réseaux sociaux, espaces publics d'expression et de jugement, accentuent cette logique de tri. En un clic, on impose des critères visuels standardisés qui excluent, qui fragmentent. La superficialité a pris le dessus, et les qualités humaines – courage, talent, engagement – passent au second plan. Est-ce ainsi que nous voulons évaluer les personnes, à travers des critères éphémères et arbitraires, qui réduisent l’individu à un objet, un produit, un pis-aller ?
D’Othello de Bozzi à Flavor Flav, de Nas à Kool Keith, ou encore de Boulogne-Billancourt à Limoges, de Noirmoutier aux rues du 20e arrondissement de Paris, cette question s’étend à chaque quartier, chaque communauté : quel message envoyons-nous aux jeunes, à ceux qui se battent pour être eux-mêmes, pour exister par-delà les apparences ? Les codes visuels en vigueur ne risquent-ils pas de mener à un "darwinisme social" où seuls les "conformes" prospèrent, pendant que les autres sont relégués, invisibilisés ?
Ce modèle d'exclusion par le visuel n’est pas seulement une pression individuelle, c'est une menace pour notre cohésion sociale. Il nie la richesse des parcours, des cultures, des identités qui composent notre pays.
Aujourd'hui, la société ne peut se contenter de jauger l'ivresse d'un regard, ni de "trier le bon grain de l'ivraie" par les filtres évanescents des médias. Le visage d'une personne ne devrait pas déterminer sa place dans la société. Nos choix collectifs ne peuvent se fonder sur le clinquant de l’apparence, au détriment des qualités profondes.
Il est temps de construire un modèle qui célèbre la diversité de l’humain, de valoriser ce que chacun apporte, au-delà des simples normes visuelles. Parce que chaque personne porte en elle une histoire, une contribution unique. Reconnaissons les individus pour ce qu'ils font, ce qu'ils incarnent, et non pour ce qu'ils montrent.
Dans ce vaste théâtre social où la forme masque trop souvent le fond, notre défi est de ne pas laisser la scène à une société de l’illusion. Face à la tentation du superficiel, réaffirmons notre attachement à une égalité réelle, à une solidarité sincère, celle qui sait regarder au-delà des masques et des apparences, à la fois fraîchement et franchement...