Par Mehdi Thomas ALLAL,
fonctionnaire territorial, auteur, enseignant & conférencier ;
et Slimane TIRERA
fondateur des 100 voix & auteur.
L’islamophobie, est une notion vivement débattue dans le champ des sciences sociales, dans les médias traditionnels, au sein des institutions et des arènes politiques, des associations antiracistes et des syndicats professionnels et ouvriers, des organismes de réflexion... au sein de la société toute entière.
Ce phénomène suscite un profond désaccord. Les divergences idéologiques qu’impliquent ce terme entravent malheureusement les efforts visant à clarifier et matérialiser ce concept, à contrer le fait social alarmant qu’il recouvre, qui ronge insidieusement la cohésion nationale.
Un phénomène rampant et alarmant, malheureusement partagé et encouragé
À l’instar de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme ou l’hostilité envers la communauté LGBTQIA+, la mobilisation contre l'islamophobie ne bénéficie pas d'un consensus suffisamment clair et clairvoyant, avec notamment la montée des protestations contre la « cancel culture » ou le « wokisme », l'instrumentalisation et les incantations contre le terrorisme, la peur de l'autre et une certaine xénophobie, pour le dire simplement.
Les nombreux faits divers témoignent de l’existence et de la prévalence de ce fléau, frappant injustement, et de manière insidieuse, les musulman∙e∙s les plus paisibles, et non seulement les extrémistes.
Beaucoup de citoyen·nes sont davantage préoccupé∙es par le respect du principe d'égalité, qui est le ciment de la société française, face aux diverses affirmations ou actions, plus ou moins vectrices d’exclusions, de convictions religieuses. Pour mémoire, la laïcité est censée protéger, et non réprimer, la pratique religieuse, tant qu’elle n’empiète pas sur la vie civile et ne contrevient pas aux valeurs républicaines.
La religion musulmane comme facteur de paix dans le monde
Il est essentiel de rappeler qu’une interprétation bienveillante du Coran prône ce monothéisme comme facteur de paix dans le monde, de générosité et de tolérance, notamment dans notre pays. Malgré les tendances radicales observées au sein de la communauté musulmane française, il est crucial de ne pas oublier que les principales victimes du terrorisme et des ingérences étatiques dans leur vie privée, de la part de l’Etat et du législateur, sont souvent ses coreligionnaires, parmi les plus vulnérables, les plus fragiles et les plus exposés.
La religion islamique peut être perçue comme un legs et une célébration de la civilisation française, héritée de la Renaissance, des Lumières, de la Révolution, de l’Abolition, de la Résistance, de la Constitution et du Droit des femmes, des réfugié∙es, des étranger∙es, des minorités, des sans-logis.
Elle s’épanouit au sein de divers collectifs, notamment issus de l'ancien empire colonial français, avec pour objectif de préserver la liberté de conscience et le droit de pratiquer sa foi, dans le respect des actes administratifs et des lois, de la liberté individuelle et des principes constitutionnels supérieurs, quasi-suprêmes, de sauvegarde de la dignité humaine et de l’ordre public.
Dans la plupart des mosquées, les fidèles aspirent à être reconnu∙es et à vivre en paix, sans paternalisme ni condescendance, avec humilité et fierté. Malheureusement, la solidarité vis-à-vis des combats pour le pluralisme des croyances dans les ex-colonies a souvent été négligée, voire trahie et piétinée, par les pays « impérialistes", en particulier, causant ainsi d'innombrables pertes humaines sur la planète, actuellement en Syrie, en Irak et, surtout, en Palestine.
Une contribution à l'histoire des sciences
Il est indéniable que la culture arabo-musulmane a apporté une contribution significative à l’histoire, aux sciences, à la morale universelle, ainsi qu’aux mouvements et aux guerres d'indépendance, à la croissance mondiale, au développement économique et à la transition écologique.
La charia ne constitue qu’une interprétation des textes coraniques, elle ne s’impose aucunement aux régimes démocratiques. La religion islamique vise uniquement à protéger les droits de toutes et de tous, à promouvoir des valeurs fondamentales de manière respectueuse et à favoriser un dialogue, des échanges, une parole constructive entre l’Islam et les autres croyances.
Un phénomène encore largement répandu dans la société française et certains pays européens... pourtant véhiculé par le droit positif et vilipendé par les thuriféraires de l'athéisme belliqueux
L'antisémitisme, la misogynie, l’homophobie et les attaques contre les chrétien∙nes ne sont pas des phénomènes exclusifs propres aux minorités musulmanes ; ils émergent dans différents secteurs de la société française, enracinés dans l’histoire, la littérature, les médias, les caricatures, les théories de l’extrême-droite...
Bien que tous les leaders et partis politiques contemporains ne souscrivent pas à ces idées et à cette violence, leur capacité à s'engager dans un front républicain et à ne pas éprouver de l'animosité envers l'expansion de l'islamophobie reste questionnable.
Les citoyen.∙nes doivent s'unir pour promouvoir une "civilisation" française et européenne plus équitable, accueillante envers les minorités musulmanes. L’article 1er de la Constitution de 1958, affirmant et promouvant le respect de toutes les croyances, ainsi que le principe de laïcité, devraient être interprétés dans un esprit de coexistence pacifique des cultes et de leurs adeptes, comme l'ont recommandé de nombreux juristes, favorisant des compromis, des arrangements et des "accommodements raisonnables" (Charles Taylor) entre les différentes parties.
D'une part, les sociétés d’accueil ont évolué, tout en encourageant les minorités musulmanes à embrasser les valeurs républicaines, au lieu de s'enfermer dans des conflits identitaires destructeurs, qui défraient parfois la chronique. D'autre part, nos concitoyen.nes musulman.es ont cessé d'embraser les cités et les territoires "perdus" de la République ; l'aurait-il d'ailleurs jamais fait si leur sentiment de délaissement n'avait été si fort.
Il est envisageable que les tensions actuelles s'apaisent avec le temps, contribuant ainsi à une vie en commun plus harmonieuse, respectueuse des savoirs, des coutumes et de la tradition ; du vivre-ensemble, de la fraternité et du bien-être. Les émeutes ne peuvent nous émouvoir que si elles trouvent une traduction concrète et non-violente.
Allah, l'Islam, ses prophètes, les rites qui lui appartiennent, les passions qu'ils génèrent, le manque de patience qu'il suscite, nous amènent à poser la question suivante : le mépris et l'incitation à la haine raciale de cette religion confinent-ils à une nouvelle croisade ? Au contraire, l'extinction progressive de l'islamophobie constitue-t-elle une perspective fiable ou viable, une cause durable et valable, un avenir tangible et atteignable ?