Après le temps des grandes déclarations, voici venu le temps de l’action concrète que le gouvernement doit mettre en œuvre face à cet afflux, sans précédent, des demandeurs d’asile afghans, suite à la prise du pouvoir par les Talibans.
Toute cette question est de nature juridique : comme certains l’affirment, il ne s’agit pas simplement de constater que 80 % des demandes d’asile issues de l’Afghanistan sont acceptées ; il convient de déterminer comment, ceux qui ont fui leur pays d’origine dans le cadre de cette prise de pouvoir des Talibans, vont pouvoir bénéficier d’une protection internationale effective.
Car il ne faut pas se méprendre : certaines juridictions seront tentées d’octroyer la protection subsidiaire, alors que d’autres formations seront tentées par le statut de réfugié. Par ailleurs, d’autres juridictions, après avoir apprécié le fond et la forme du récit du demandeur d’asile, seront contraintes de débouter le demandeur de son asile en raison de l’absence d’éléments objectifs et subjectifs justifiant son accession au sésame de l’asile politique.
Face à cette situation, il convient de s’interroger sur les mécanismes et déterminer, sans enlever la faculté interprétative des juges et leur capacité d’interroger le demandeur sur sa situation particulière, la possibilité de délivrer un titre de séjour pour considérations graves et sérieuses. Ce titre de séjour devra faire l’objet d’une procédure accélérée et être délivré dès accord de l’administration – ministère de l’Intérieur - sur le sujet.
L’intérêt de bénéficier d’une procédure accélérée, qui permettrait, en deux mois, contre parfois un an, d’obtenir un titre de séjour pour considérations humanitaires graves et sérieuses serait de pouvoir demander une réunification familiale rapidement et permettre à toute la famille actuellement bloquée en Afghanistan de retrouver les leurs en France. Cela posera sans doute de nombreuses difficultés, dont notamment celle de déterminer l’ambassade qui serait compétente pour pouvoir recevoir les membres de la famille.
Si de telles considérations ne sont pas rapidement prises en compte, nous allons faire face à une utilisation plus importante de la « route des Balkans », qui pourrait également servir les intérêts de plusieurs groupes fondamentalistes qui se chargeraient d’envoyer de « faux » demandeurs d’asile à travers cette route migratoire.
L’idéal, dans une telle situation, serait une coordination, certes internationale, mais également la reconnaissance par la France de la capacité du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations Unies de pouvoir apprécier, en amont, les cas et de les adresser, simplement pour validation, à l’Office Français de protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA).
La crise sanitaire qui débouche désormais sur une crise climatique et une crise géopolitique ne doit pas faire durer, dans la longueur, la réponse à apporter à ce type de déplacement de population.
Nous pensons, enfin, que ce titre de séjour doit être mis en œuvre par une circulaire, de nature a créer des droits dans le chef des particuliers, qui aurait pour effet d’appeler l’administration à donner une priorité importante à ce type de dossiers. L’administration ne pourra pas s’économiser le recrutement de plusieurs chargés de mission en la matière. C’est l’essence de la République que de les accueillir. C’est donc au gouvernement de prendre les bonnes décisions.
***
par Asif Arif, Avocat au Barreau de Paris, auteur et essayiste spécialisé sur les questions des libertés publiques,
& Mehdi Thomas Allal, Maître de conférences à Sciences Po Paris, responsable du pôle « vivre ensemble » du think tank Le Jour d’Après (JDA) et membre du club du 21ème siècle