Alors que les armes se sont tues provisoirement à Gaza et en Israël, il est encore de temps de revenir sur la scène intérieure française pour analyser la flambée de commentaires sur les réseaux sociaux et, plus généralement, les élans de solidarité, mais aussi de détestation, que chacun des deux camps a pu susciter dans les communautés musulmanes et juives respectives de notre pays.
Notons, d’abord, que le Hamas aurait tort de crier victoire, ne serait-ce que par respect dû aux gazaouis qui ont sacrifié leur vie pour une paix juste et durable, et, enfin, pour la reconnaissance d’un État palestinien étranglé par des années de blocus et la colonisation. De son côté, Israël aurait tort de se sentir dépossédée d’une victoire par les armes, sous la pression américaine, après quatre années de « trumpisme » dramatiques pour la région, car ce conflit aurait pu vite dégénérer en zone de déflagration générale dans tout le Proche-Orient, brisant les rêves du gouvernement de Benjamin Netanyahou de tisser des liens de confiance avec ses alliés arabes.
La question qui se pose ici est néanmoins différente : pourquoi les minorités musulmanes françaises se sentent solidaires d’un peuple si lointain ? Est-ce le souvenir de la colonisation, notamment pour les descendants d’Algériennes et d’Algériens qui ont immigré en France ? La comparaison avec la colonisation de leur pays d’origine n’est pas raison, tant l’histoire de la Palestine et de l’Algérie sont si distinctes. Est-ce la religion qui doit rassembler la communauté immigrée issue du Maghreb ou le rêve émancipateur d’une liberté chèrement acquise face à l’État français ? Le prisme du religieux est un leurre, alors que se répandent des phénomènes racistes contre les arabes et les turcs, confortés en cela par la présence quasi certaine de l’extrême-droite aux seconds tours des élections…
Et pourquoi la communauté juive a lié son destin à l’existence et la sécurité à celui de de l’État sioniste ? N’a-t-elle pas assez souffert pendant la guerre pour réclamer un droit à la dignité et à la justice, en dehors de tout soutien à des criminels de guerre et un gouvernement guidé par la haine et la rancœur ? La diaspora juive de notre pays est bien vivante et, bien heureusement, les Juifs qui défendent la cause des Palestinien.ne.s sont suffisamment nombreux et actifs pour espérer un peu de sagesse et faire ainsi baisser l’antisémitisme qui gangrène la société.
Car le camp de la paix doit maintenant faire la démonstration de sa force et de sa résolution, au-delà de toute surenchère victimaire. Oui, la gauche a un avenir dans ces pays dominés par des extrêmes. Oui, les partisans d’une négociation internationale sur le statut d’une solution à deux États est à notre portée. Oui, il faut maintenant que les minorités arabo-musulmanes apprennent à se solidariser - bien qu’ils n’y ont participé en aucune façon - de ce pays martyr né des cendres de la Shoah et qui a dû tant se battre pour acquérir le droit de survire ; et il faut maintenant que les minorités juives défilent aux côtés de leurs frères palestiniens, dépossédés de leurs résidences à Jérusalem et en Cisjordanie...
Et les Chrétiens dans tout ça ? Après tout, ils sont aussi présents dans la capitale de l’État hébreu. On ne peut pas dire que leur situation soit enviable en terres d’Orient, car ils subissent des attentats et des attaques de la part des terroristes islamistes, mais également des persécutions de la part des gouvernements dictatoriaux. Il faut réaffirmer que le pays d’Abraham est l’héritier d’un système multiconfessionnel et multiculturel, dans lequel la violence n’a plus sa place. À l’instar des lieux saints.
Nous faisons le rêve aujourd’hui que des liens indéfectibles, indestructibles et irréductibles sauront prendre la place des guerres et de la colonisation, que les israéliens arabes pourront vivre en toute tranquillité, que les partis religieux n’auront pas le dessus, que les islamistes cesseront de vouloir rayer de la carte une démocratie authentique et désirable, que les soutiens de la gauche israélienne, en hommage à Yitzhak Rabin, Shimon Pérès, Yasser Arafat et Bill Clinton, retrouveront le chemin des urnes, et que le tout sécuritaire cédera sous la pression de la nécessaire coopération entre les deux territoires, entre ces deux terres sacrées, entre Juifs, Musulmans et Chrétiens, unis par leur foi dans l’avenir et la promesse d’un calme retrouvé.