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Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 9 mars 2018

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Comment prendre en compte l'origine comme critère de sélection des jeunes de cité ...

Les politiques de discrimination positive sont diverses et variées. Leur étendue ne s'oppose pas à la mise en place de quotas en fonction de l'origine, malgré le verrou prévu par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, avec la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Leur étendard provient des Etats-Unis, mais la France doit mettre en place ce type de dispositifs

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Très concrètement, que signifie prendre les origines et l’identité comme critère de sélection des jeunes de quartier, plutôt que le lieu de résidence ? Comment trancher à diplôme égal entre employer un Noir et un Blanc, un Arabo-Musulman ou une femme, un Asiatique ou un Latino, un pauvre ou un riche, un jeune ou une personne en situation de dépendance, un tsigane ou une personne condamnée, comme salarié ou comme agent public ? Les quotas constituent-ils la meilleure solution pour embaucher ou ne constituent-ils pas une intrusion dans la volonté de l’employeur de choisir parmi ses collaborateurs ?

A diplôme égal, il existe une hiérarchie systémique ou indirecte des responsabilités au sein de nos organisations, qui peut être modulé selon les origines ou les apparences des individus. Cette hiérarchie est parfois dommageable pour les salarié-e-s cantonné-e-s à des taches subalternes. Le marché du travail est trop ségrégué en fonction de l’expérience ou les compétences. Entre un cadre et un ouvrier, entre professions libérales et artisans, entre catégorie A, B ou C, les quotas de personne en situation de handicap ou selon le sexe ne sont pas différents de ceux qui se trouvent en situation de déshérence identitaire. Un premier pas a été franchi en prenant en compte l’ancienneté et la progression / validation des acquis (VAE) pour soulager l’employeur dans ses choix et encourager le principe de mobilité. En effet, certaines capacités sont transférables d’un emploi à l’autre. Ces capacités sont-elles assimilables à des quotas ?

Les quotas selon l’origine ou l’apparence permettent précisément de valoriser les compétences, indépendamment de la hiérarchie des organisations. Ils sont ancrés dans l’histoire des pays anglo-saxons, qui ont connu l’esclavage et la ségrégation, et qui sont en avance sur nous. Le choix de cibler les marchés publics devait permettre de jouer un rôle d’entraînement pour l’ensemble des entreprises ; les universités leur ont emboîté le pas, pour former en amont une élite noire, notamment dans les Etats du Sud, mais aussi au Nord, afin d’embaucher des salariés issus de la minorité noire qui soient qualifiés.

La multiplication de critères en dehors de la race, en vue d’améliorer le dispositif, a eu pour conséquence de diluer le stigmate de la couleur de peau. Comment redonner à ce facteur toute sa splendeur pour un ensemble de populations encore prises en étau entre la pauvreté et la délinquance ? Les compétences sont acquises dès le plus jeune âge, au sein de l’école et de la famille. Il faut prendre en compte ces compétences dans l’accès aux responsabilités professionnelles. Le marché du travail est trop compartimenté pour laisser place à un principe d’égalité uniforme. Le principe d’équité permet déjà de justifier des politiques de l’emploi distinctes selon les catégories socio-professionnelles. La prévention et la lutte contre les discriminations permettent de faire oublier les origines et de rendre la société indifférente à la couleur de la peau, à la conviction religieuse ou à la race.

Les politiques de discrimination positive sont variées et permettent de contourner les quotas facilement, étant donné la richesse de leur panel. Les images véhiculées par les médias ou les réseaux sociaux permettent de redorer ou de revaloriser la fierté des minorités. La communication politique permet aussi de faire prendre conscience de la nécessité d’agir vite et bien pour ceux qui ont décroché trop rapidement. La formation professionnelle tout au long de la vie a également prouvé ses mérites, pour adapter les connaissances des jeunes salariés et leur transmettre un savoir indispensable à leur épanouissement.

Certaines prédispositions constituent un atout, mais les trajectoires sont conditionnées par l’entourage et la société d’accueil. Les quotas, de par leur simplicité mathématique, constituent néanmoins un espoir pour rétablir le principe d’égalité. Car les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle sont nombreuses et trop confuses. Les représentations dans l’entreprise ou le tiers secteur, ainsi que la fonction publique sont bien trop complexes pour s’offrir en gage de réussite professionnelle. Les parcours sont hachés et nécessitent de mettre en place une mesure comme celle de tuteurs de la République pour accompagner les salariés dans leur avancement.

Ces tuteurs existent déjà, mais ils sont parfois aveugles à l’existence des différences ethnico-religieuses. Ils souhaitent trop souvent couper les jeunes de leur milieu social, en vue de les extirper et redonner un sens à leur vie. Certaines transitions sont difficiles à accomplir pour les jeunes de quartier. Il est primordial de les confronter à des modèles qui leur ressemblent, tout en valorisant ce à quoi ils n’ont pas eu accès au cours de leur histoire. 

***

L'origine, la race ou la religion sont des critères qui présentent le défaut d'être verrouillé par la Constitution. L’apparence physique constitue au contraire un critère permettant de rassembler quasiment tous les autres. La beauté ou la laideur, la blancheur ou la noirceur, le teint ou les cheveux, le métissage ou la communauté, la grosseur ou la petite taille, etc. peuvent ainsi être pris en compte. Mais l’origine et l’identité intérieure s’adressent à la façon de penser, à l’intériorisation du handicap, à l’avanie des vexations et des faux-semblants. Ils supposent de tenir compte de la façon de penser des jeunes de cité. Les quotas peuvent-ils dicter les comportements sociaux et sociétaux ? Faut-il s’adapter ou s’imposer librement dans l’entreprise ou la fonction publique ? Pourquoi coller aux représentations imposées de l'extérieur et susceptibles de heurter les consciences et la bien-pensance ?

L’origine peut-elle être mentionnée ou masquée ? Faut-il la retirer des matricules et des logiciels, des fichiers et des listes, des prénoms et des noms ? L’identité juive par exemple a été déniée par les lois assimilationnistes du régime de Vichy, en créant des étrangers supplémentaires au sein de la République. La prise en compte de l’extermination de certaines populations avant et pendant la guerre s’est faite librement au cours de l’histoire de notre pays, sans forcer quiconque à œuvrer pour copier. Il n'y a pas eu de besoin de statistiques pour contribuer à intégrer des populations meurtries ... en s'adressant à des individus.

Le travail d’intégration aujourd'hui suppose au contraire de retisser des liens au sein des minorités. L’Etat est responsable de l’apparition de ghettos urbains, tout comme de la radicalisation de certains individus. Il est temps d’associer les communautés pour en tirer les meilleurs. Les quotas sont une solution parmi d’autres, mais ils exercent une force d’attraction les minorités, dans toute leur violence et leur silence. Les ressemblances et les apparences sont trompeuses et ne font que défaire les traditions, les coutumes, les qualités et les compétences. Dans leur for intérieur, les personnes d’origine immigrée sont tentées de copier les Français de souche dans l’ensemble de leurs phénotypes et stéréotypes. Et vice-versa.

Mais leurs ambitions, leur famille, leur provenance refont surface à des moments forcément inopportuns. Les quotas selon l’origine ou la couleur proviennent d’une histoire qui n’appartient pas à la France. Le modèle républicain a été mis à mal par la tragédie des attentats et des révoltes urbaines, qui ont démontré l’inanité des efforts entrepris depuis une trentaine d’années pour intégrer les minorités. Faut-il encore imposer par la force la prise en compte ou l’éradication de nos identités ? Faut-il faire aveu de faiblesse en oubliant les laissés-pour-compte de la société ?

Les quotas en fonction de l'origine ne sont pas l'unique façon de résorber les inégalités, mais ils peuvent être testés et expérimentés de façon précoce ou non dans certains bassins d'emploi ; ils doivent être modulés en fonction des catégories professionnelles ; ils doivent inclure tous les critères absents du ciblage des politiques publiques.

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