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Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 14 octobre 2017

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Comment police et gendarmerie marchent à l'ombre !

par Romain PEREZ, coordinateur du think tank « Le Jour d’Après » (JDA), Asif ARIF, avocat au barreau de Paris et Mehdi Thomas ALLAL, maître de conférences à Sciences Po

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans un état de droit, la répression est nécessaire. Ainsi, police et gendarmerie effectuent chaque jour de nombreuses opérations touchant directement aux libertés et aux biens de nos concitoyens, dès lors qu'une infraction est suspectée ou constatée. Interpellations, garde à vue de plusieurs heures - voire dans certains cas de plusieurs jours … ces restrictions temporaires de libertés sont une étape préalable indispensable avant que la justice ne décide quelle réponse pénale apporter à celui ou celle que l'on soupçonne.

Pour autant, elles relèvent aussi d'une forme d'aliénation brutale et traumatisante des libertés individuelles. Elles caractérisent le monopole de la violence de la puissance publique, et présentent une dangerosité potentielle si celui-ci s'exerce sans contrôle démocratique. Elles ne sont ainsi pas neutres politiquement, formant la base de tout régime de nature répressive, et ouvrant la porte dans les régimes démocratiques à des dérives attentatoires aux valeurs fondatrices du contrat social.

Dans un tel contexte, la mesure du travail répressif de la police et de la gendarmerie constitue un enjeu essentiel. Car mesurer, c'est apprécier précisément la mesure de la réponse à la réalité de la délinquance. C'est identifier les éventuelles dérives dans le temps, aussi bien que dans les iniquités régionales. Mesurer, c'est se doter d'un outil objectif de contrôle par les citoyens et leur représentant des forces de sécurité et des gouvernements en charge de les diriger.

Or, curieusement, les données de base sur le travail de la police et de la gendarmerie sont pratiquement toutes indisponibles au commun des citoyens. Nul ne sait, en dehors des cercles informés, combien de nos concitoyens sont interpellés et placés en garde à vue chaque année. Nul ne sait si la répression sécuritaire augmente ou diminue, si elle est plus forte à Marseille ou à Neuilly-sur-Seine. Quant à connaitre les profils statistiques des personnes ainsi amenées par les policiers et les gendarmes… mystère, mystère…

Il est vrai que le mystère, justement, a du bon... lorsqu’il s’épaissit. Le flou statistique permet d'entretenir le mythe d'une police et d'une gendarmerie omnipotente et omniprésente, et de nourrir cette fameuse "peur du gendarme" essentielle au maintien de l'ordre public. Et puis quelle récupération politique ne faudrait-il redouter si l'on constatait ici que la réponse sécuritaire était faible, et là qu'elle était forte… Les uns réclameraient plus de sécurité, les autres plus de libertés, et au final le populisme menacerait le bon travail des forces de sécurité.

Toutefois, à vivre dans la peur et l'obscurité statistique, les citoyens pourraient aussi finir par se sentir quelque peu manipulés. Et de là à penser qu'une telle approche, héritée tout droit de l'Ancien Régime, contribue à la défiance des citoyens vis-à-vis du pouvoir, il n'y a qu'un pas qu'il faudra envisager de franchir.

Serait-il possible de savoir combien de nos concitoyens sont emmenés chaque jour par la force dans les commissariats et gendarmeries de France et de Navarre ? Combien sont placés en garde à vue ? Quels sont les infractions retenues - et les profils des personnes ainsi privées de leur droit sans décision de justice ?

C'est une modeste demande, touchant à la transparence de nos statistiques. Mais c'est une demande qui parle aussi de notre démocratie, et du chemin qu'il reste à parcourir pour que la confiance se rétablisse entre les détenteurs du pouvoir et de la force publique, et la multitude qui s’interroge si le fait de voter leur donne un droit effectif à exercer une part de la souveraineté populaire.

La transparence a quelques servitudes. Elle peut dans le domaine sécuritaire susciter des inquiétudes. Mais elle constitue le maillon essentiel de la modernisation de l'action publique. A l'heure où la menace terroriste oblige les pouvoirs publics à bousculer les usages sécuritaires dans notre pays, cette transparence est une contrepartie nécessaire au maintien du pacte de confiance entre l'Etat et les citoyens.

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