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Mehdi ALLAL

Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 26 août 2016

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Sarkozy, toujours derrière le Buisson

Pour Nicolas Sarkozy, tous les moyens sont bons pour calomnier les musulmans et capter l'électorat du Front national. Les auteurs de cette tribune incitent leurs lecteurs à ne pas être dupes, en rappelant que ce jeu dangereux peut conduire à un désastre : les citoyens préférant traditionnellement l'original à la copie, la victoire de l'extrême-droite à la prochaine élection présidentielle !

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C’était pour certains un évènement, pour d’autres un simple mensonge de plus. Le candidat Sarkozy, battu en mai 2012 par François Hollande, avait en effet promis d’arrêter la politique...

La soif du pouvoir ou la soif de revanche, l’une, l’autre ou les deux, étaient beaucoup trop fortes pour lui. Les naïfs pourraient penser que le Sarkozy « nouveau » est arrivé, et avec lui des idées innovantes. Il n’en est rien, Sarkozy est encore plus idéologue et démagogue qu’avant.

Son identitarisme n’est plus à prouver. Il a bien assimilé les leçons de Patrick Buisson, son ancien (?) conseiller et mentor. Il a bien suivi la campagne de Donald Trump, dont Sarkozy a dit qu’il « réussit parce qu’il ne se refuse aucune outrance ».

Il a marqué son retour avec un ouvrage intitulé « Tout pour la France », alors que ses propos, ses postures, pourraient nous convaincre de sous-titrer son retour avec l’appellation « TouS contre l’islam ». En réaffirmant sa volonté de voir se développer « un islam de France », il s’en prend en effet (comme beaucoup d’autres en ce moment…) à la seconde religion de France (entre 6 et 9 millions de concitoyens). « Ce n’est pas avec les religions que la République a aujourd’hui des difficultés mais avec l’une d’entre elles. » Cette affirmation rapide, creuse, pointe du doigt l’absence de réflexion : si la pratique des religions présentent certainement des inconvénients, il ne faut pas laisser de côté la responsabilité individuelle des uns et des autres de nos dirigeants politiques dans le repli actuel.

Sa nouvelle obsession de l’islam le conduit forcément à faire des propositions sur le voile. 

Il souhaite suspendre toute les aides sociales et familiales pour les femmes portant le voile intégral (elles sont très peu en France : 200 verbalisations en 2015) en cas de récidive. Où est le rapport entre cette « infraction » et la sanction proposée ? Si l’objectif est de « frapper au portefeuille », pourquoi pas une simple amende forfaitaire ? Nicolas Sarkozy reprend les éléments de langage de l’extrême droite, qui associe volontairement et de manière absconse le fait d’être musulman, donc forcément immigré et inexorablement dépendant des allocations versées par l’Etat…

La loi ne lui suffit pas ; il faut assumer la stigmatisation des musulmans à travers des mesures fortes et symboliques. Pourquoi ? Parce que cela flatte son potentiel électorat, celui de la « droite dure », de la « droite extrême ».

Rappelons que le Front National propose purement et simplement l’interdiction du port du voile et de tout autre signe religieux dans l’ensemble de l’espace public.

Une position contraire à la liberté de culte, que garantit le principe de laïcité… Mais ce dernier a tellement été « tordu », « dévoyé », « utilisé » de manière parcimonieuse contre l’Islam, que Nicolas Sarkozy, de retour, ne pouvait pas manquer cette occasion. Il a alors affirmé que « la meilleure manière d’apaiser les tensions, c’est de proscrire tout signe extérieur de religion » dans l’espace public. Etrange position anti-laïc pour l’édile des Républicains…

On est en effet très loin de la « laïcité positive » qu’il prônait en 2004 au moment des débats autour de la loi interdisant les signes religieux ostensibles à l’école, pour éviter que les Français de confession musulmane ne le ressentent comme une punition ou une humiliation. En cela il « revient » - est-il jamais parti ? - plus démagogue que jamais !

Nicolas Sarkozy va aujourd’hui beaucoup plus loin, il poursuit sa cabale antivoile en proposant d’interdire celui-ci à l’université et dans l’entreprise.

Pour le voile à l’université, il n’est pas le seul à proposer ce positionnement ; néanmoins, comment cautionner une telle interdiction dans ces lieux de savoir, d’émancipation et de développement de l’esprit critique ? Il suffit de regarder ce qui se fait à l’étranger : les étudiantes du monde entier quittent leur pays natal pour profiter des plus grandes universités occidentales ; elles viennent aussi de pays à tradition islamique ! Le voile est dans la plupart des cas pour ces étudiantes, un choix, un code culturel, voire un signe de « modestie » revendiqué comme tel.

Avec le temps, l’expérience, le recul, on devrait être en mesure de comprendre que l’obsession de l’assimilation, au relent néo-colonialiste, est un facteur important de communautarisation (v. Patrick Weil, La République et sa diversité, 2005).

Pour ce qui est de l’interdiction au sein de l’entreprise, cet interventionnisme moral au sein d’une entité privée paraît tout aussi incongru. Il faut faire le lien ici avec l’article 1er de la loi El Khomri qui ouvre la boîte de Pandore : les éventuelles restrictions religieuses ne sont plus liées au poste de travail mais « aux nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise »… Surtout, il s’agit encore une fois de communautariser les rapports sociaux dans le secteur du savoir et du travail.

Sarkozy le sait parfaitement, il est guidé par des raccourcis : un en particulier, celui qui consiste à faire un lien direct entre port du voile et intégrisme. Il ne fait même plus la différence entre le voile islamique (hijab) qui couvre les cheveux, et le voile intégral (burqa) qui cache le visage. Pourtant des lois ont été votées, un observatoire de la laïcité a même été mis en place, dont nous soulignons d’ailleurs la très grande qualité des travaux.

Nous l’avons bien compris, Sarkozy, « l’identitariste » a bien l’intention de laisser le curseur à ce niveau pour sa campagne. Son entourage l’accompagne dans cette dérive. Le souci, c’est qu’il y entraîne tout un pays, encore traumatisé par les attentats. Pourtant, son expérience d’ancien président aurait pu lui inspirer le sens de la mesure et du rassemblement dans une telle période.

Comme un symbole, comme une illustration de son départ officiel en campagne, les images de cette femme verbalisée par des policiers municipaux sur une plage du sud de la France, dans une région gérée par ses amis, qui avaient pris des arrêtés « anti-burkini », ont fait le tour du monde. Pour se défendre, ceux qui justifient cette verbalisation avancent une provocation préméditée par la femme en question. Quand bien même ce serait un acte prémédité (ce qui reste à prouver !), cela ne peut pas atténuer le problème, d’un côté comme de l’autre. Il n’y a pas de police vestimentaire en France ! Si c’est un acte prémédité, cela pourrait s’apparenter à une forme de « testing » comme on en fait dans d’autres domaines ; le résultat est alors probant...

Le risque que prennent ceux qui prétendent lutter corps et âmes contre les extrémismes, c’est de le faire avec une désinvolture que leur ignorance ne saurait excuser, ce qui conduit paradoxalement à un autre extrémisme également. Sarkozy en est la preuve, il est sorti du buisson mais son identitarisme n’a pas mis les voiles…

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