L’origine nationale est un critère prohibé en droit interne et en droit communautaire, mais qui est reconnu par plusieurs conventions internationales, notamment en matière d’asile politique. Le principe de non-discrimination est en apparence contraire à la prise en compte des origines, mais il peut être activé de manière positive pour se retourner contre ses détracteurs dans l’hypothèse d’un rattrapage ponctuel.
Comment mesurer les écarts de richesse justifiant ce rattrapage ? Faut-il introduire des statistiques « ethniques », au risque de ficher les individus et de figer les identités ? Les communautés sont hors d'atteinte par le chiffre et se recoupent assez largement. L’origine nationale a pour avantage d’être borné juridiquement par la notion de frontière. Néanmoins, la solidarité extra-territoriale constitue un puissant facteur de cohésion sociale, en particulier pour les travailleuses et les travailleurs de ce pays.
La nationalité relève du domaine de la loi. C’est une compétence transverse entre le droit public et le droit privé. Les personnes d’origine étrangère, qui possèdent une carte d’identité française, sont-ils disposés à afficher leur provenance, par exemple par le biais du recensement ? La nationalité des parents est d’ores et déjà admise comme critère de recherche en sciences sociales…
Pourtant les catégories de l’INSEE ignore formidablement les identités ressenties. Les statistiques anglo-saxonnes, à la suite notamment des nombreuses émeutes qui ont secoué les ghettos urbains outre-Manche et outre-Atlantique, ont prouvé qu’il était possible de construire une ingénieuse ingénierie pour prendre en compte les différences.
Le droit à l’indifférence n’est pas consubstantiel de notre démocratie. Une République aveugle aux différences n’est pas forcément rétive à rassembler les minorités, à partir du moment où chacun peut revendiquer son histoire, sa couleur, son apparence, son orientation sexuelle, son âge, son genre, son handicap, ses convictions, etc. et ainsi se ressembler. Chacun est différent, et personne n’est pareil. Les préférences identitaires doivent pouvoir se moudre dans un contexte socio-administratif et économique propre à la France.
Le principe de neutralité est-il heurté par davantage de précision et de parcimonie dans l’attribution des ressources ? Les services publics fonctionnant en réseau devraient accueillir et promouvoir une réflexion sur la nécessaire prise en compte des identités.
Les nombreux statuts de la fonction publique sont-ils déjà trop compliqués pour accueillir en leur sein la mention des origines de l’individu ? L’adhésion des usagers du service public, mais aussi l’individualisation des services rendus, suppose une meilleure compréhension du passé de la population et de ses agents.
Les traumatismes de la seconde guerre mondiale, et de façon générale des génocides des années 1930 et 1940, sont encore vivaces et vivants. Il appartient à l’Etat de prolonger et de protéger les espérances nées en 1945 en vue d’abolir les privilèges et de construire une société enfin débarrassée du racisme et des discriminations.
Ce combat a été mené s’agissant de la police des discours et des écrits. La négation des crimes contre l’humanité, y compris l’esclavage, a été transformée en un délit d’outrage pénal d’incitation à la haine raciale. Les médias ont également été davantage contrôlés, avant leur libéralisation et l’introduction du pluralisme.
Il est désormais nécessaire de franchir une nouvelle étape et de passer aux actes. Les violences identitaires sont réprimées, tout comme les insultes, mais on demeure dans le domaine du langage et des victimes.
Il faut désormais encourager la meilleure répartition des ressources entre la société d’accueil et les minorités nationales. Cela concerne bien évidemment l’emploi et le logement, mais également l’éducation et la formation, les responsabilités sociales et professionnelles, les mandats syndicaux et politiques, etc. Une mise en commun, un nouveau partage, s’impose très largement pour redonner confiance aux citoyens dans leurs institutions et leurs organisations.
Le management des ressources humaines prend déjà largement en compte les origines. Le management inter-culturel constitue bien heureusement une réalité de la vie de l’entreprise et du secteur public. Mais ils concernent des individus déjà en poste. Toute une génération frappe à la porte des quotas et d’une plus juste redistribution.