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Billet de blog 1 novembre 2015

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Et si les jeunes français musulmans faisaient leur Alya ?

« C’est à l’Islam de s’adapter à la France à la République, pas le contraire ». Extrait d’un discours de Marine Le Pen ? Non, déclaration d’Eric Ciotti, Député des « Les républicains » « des Alpes Maritimes ». Fichage d’enfants suivant leur appartenance supposé à une communauté - une école durant la Seconde Guerre Mondiale ? Non la France de 2015 à Béziers.

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« C’est à l’Islam de s’adapter à la France à la République, pas le contraire ». Extrait d’un discours de Marine Le Pen ? Non, déclaration d’Eric Ciotti, Député des « Les républicains » « des Alpes Maritimes ». Fichage d’enfants suivant leur appartenance supposé à une communauté - une école durant la Seconde Guerre Mondiale ? Non la France de 2015 à Béziers.

Après l’affirmation de Nadine Morano nous disnat que « la France était une pays de race blanche », force est de constater que le débat politique en France a été contaminé par le Front National, premier parti du pays depuis les dernières élections européennes et départementales. Le FN n’a plus à batailler pour ses idées elles sont désormais reprise pour une large part par la droite française et de manière plus surprenante par une partie de la Gauche. L’immigration comme fardeau, danger de l’Islam, menus de substitutions… Les thèmes hostiles aux musulmans alimentent le débat politique et des voix  se multiplient au sein de la communauté et en dehors pour dénoncer cette stigmatisation.

Aujourd’hui c’est la nouvelle franchise du « radical islamisme » connu sous le nom de « Daech » qui pourri la vie des français musulmans (oui dans cette ordre) et jette sur eux le discrédit et l’opprobre collective : chaque fois qu’un fou se croit investi d’une mission divine, ces derniers sont sommés de condamner et d’expier collectivement un crime auquel ils n’ont rien à voir.

Certains hommes politiques comme Christian Estrosi n’hésitent plus à parler de « 5ème colonne » et à voir les musulmans comme un ennemi de l’intérieur aux mœurs incompatibles avec les valeurs de la République alors même qu’ils appartiennent à l’une des communautés les mieux intégrée dans notre pays.  

Il est ici intéressant d’opérer un parallèle historique ; Christian Estrosi, fils d’immigrés italiens reproduit ici une constante de la droite qui consiste à jeter un anathème collectif sur toute une communauté.

Les italiens y ont eu droit. N’était-ce pas la droite, à travers un de ses plus sinistres idéologues, Maurice Barrès qui affirmait que le soutien de Zola au capitaine Dreyfus « […] est le produit de sa sincérité. Mais je dis à cette sincérité : Il y a une frontière entre vous et moi. Quelle frontière ? Les Alpes. ». Les Juifs y ont également eu droit avec le même Barrès qui affirmait « Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race ». Il semblerait donc que si l’Histoire nous apprenne une chose, c’est que nous n’apprenons rien d’elle.

Face à cette situation, nombreux sont ceux qui songent à l’exil, à « l’Alya » comme dirait nos ami-es de la communauté juive! L’Alya c’est le départ vers la « terre promise » d’Israël afin de fuir l’antisémitisme qu’ils peuvent ressentir en France et en Europe. Heureusement, ce mouvement ne touche annuellement que quelques milliers de nos compatriotes[1]et ils sont même nombreux à faire le chemin inverse après quelques années dans ce qui ne se révèle que très éloigné de « la terre promise ».

Ils sont français par la naissance mais également par la culture et leur départ ne peut signifier qu’une forme d’échec collectif dans la construction d’une nation basée sur la liberté, l’égalité et la fraternité. Tout le monde en convient aujourd’hui.

Qu’en serait-il, si demain, les français musulmans adoptaient une démarche similaire ? Et si eux, qui sont aujourd’hui plusieurs millions, se décidaient à fuir leur pays de naissance,  leurs attaches familiales et culturelles pour échapper à l’islamophobie grandissante qui les discrimine, les rejette et ne leur offre finalement plus aucune perspective d’avenir ? Comment la France vivrait-elle cette hémorragie de ses forces vives  et une remise en cause si violente de l’idéal républicain ?

A droite on pourrait visiblement très bien s’en accommoder. Eric Zemmour l’imagine même sous l’angle d’une déportation étant donné que les français musulmans « ont leur propre code civil, le coran ».

Ce scénario n’apparait plus si improbable que cela et il est même déjà une réalité pour les français de confession musulmane disposant d’un capital culturel et financier qui leur permet d’émigrer vers l’Amérique du nord, l’Angleterre, le Moyen Orient l’Asie et beaucoup plus rarement vers le Maghreb ou l’Afrique.  Dans la mesure, où il n’existe pas de statistiques ethniques, il est difficile de mesurer ce phénomène comme peut le faire chaque année la communauté juive. Mais le mouvement est amorcé et ils sont nombreux dans la « beurgeoisie » à songer au départ.

Mais pour les français musulmans, il faut bien l’avouer, il n’existe pas de « terre promise ». Le retour vers « le pays d’origine » des parents, des grands-parents voir des arrières-parents n’est qu’un mirage. Souvent ces pays ne voient pas d’un bon œil le retour de ces enfants prodigues aux mœurs occidentales arrivant avec un capital social et financier et qui viennent concurrencer les élites locales. Les candidats à l’exil préfèrent souvent des destinations plus propices à leur réussite professionnelle et leur offrant une meilleure qualité de vie : des pays plus accueillants où ils ont le sentiment que leur croyance sera mieux perçue, respectée et ne sera pas un frein à leur promotion sociale.

Qu’est-ce que ce qu’un départ massif des musulmans pourrait signifier pour la France? Les conséquences sociales et économiques sont difficiles à imaginer mais il ce ne serait pas un bon indicateur de la vitalité de notre démocratie et de notre modèle sociale.

En premier lieu, ce serait une nouvelle preuve de l’échec de notre modèle républicain, censé faire une place à tous les enfants de la République quelque soit leur condition et leur origine.  L’égalité des chances et le système de méritocratie sont grippés.

Dans un deuxième temps ce serait un coup porté à notre économie déjà fragile et dont l’ampleur est aujourd’hui largement sous estimé à son juste niveau. Loin des clichés sur les rappeurs et les footballeurs, les français de confession ou de culture musulmane sont aujourd’hui un puissant moteur pour notre pays : intellectuels, enseignants, artistes, chefs d’entreprises, sportifs de haut niveau participent au dynamisme et rayonnement de notre pays à l’étranger. Et que dire des milliers d’anonymes, simples salariés, ouvriers du bâtiment, petites mains de la République qui accomplissent les tâches ingrates et sous-payés que plus personne ne veut accomplir.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas, encore, arrivés au point de rupture entre les communautés. Chaque mois, en tant qu’adjoint au Maire d’Ivry, j’ai l’honneur de célébrer plusieurs mariages. Et quand j’entends parler de repli communautaire, je ne peux pas m’empêcher de penser à ces dizaines de mariage « mixtes » qui sont chaque jour célébrer et qui prouvent qu’en France, le vivre ensemble est une réalité loin des préjugés et des barrières que certain-es aimeraient ériger entre les français.


[1] Environ 5000 départ par an selon l’Agence Juive en France.

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