Le 31 mai 2020, le parti Italien de droite Fratelli d'Italia a remportè pour la première fois 16 % dans les sondages électoraux.
Seulement quelques années avant ce résultat aurait été inimaginable. Mais ce qui est plus important, c'est que depuis lors, le parti dirigé par Giorgia Meloni n'a pas cessé de croître. Actuellement les sondages lui donnent 19,6%, au-dessus du Mouvement 5 Etoiles (14,4%) et juste en dessous du PD (20,6%) ; mais peu au-dessus de la Ligue de Matteo Salvini (19,3%).
Sans aucun doute, le fait qu'il soit le seul à s'opposer au gouvernement dirigé par Mario Draghi, un gouvernement qui voit comme alliés (de gauche a droite) Art.1 de Pierluigi Bersani, la Ligue de Matteo Salvini, ainsi que Forza Italia et le Mouvement 5 étoiles, donne au parti de Meloni une excellente visibilité. Il est un fait que la croissance du consensus de FdI, initialement lente, s'est fortement accélérée ces derniers mois.
Sur le plan international le tournant du parti a eu lieu en 2019, à Rome, à l'occasion du congrès international du Groupe European Conservatives and Reformists Alliance,(ECR), créé au sein du Parlement européen, ou Giorgia Meloni a été élue présidente du groupe européen ECR.
À l'occasion de cette seance l'héritier du fondateur du Mouvement Social Italien Giorgio Almirante, dont Giorgia Nazionale a récemment revendiqué les racines, a prononcé un discours considéré par beaucoup comme historique et qui commencait par ces mots:"Je suis Giorgia, je suis une mère, je suis Italienne, je suis chrétienne".
Un discours que la secrétaire du parti de droite a prononcé ancore une fois en Italien, comme elle l'écrit dans sa dernière œuvre littéraire, le 19 octobre 2019 sur la place S.Giovanni, à l'occasion de la manifestation contre la naissance du deuxième gouvernement Conte. Avec elle, sur la meme scene, les représentants de la Lega Matteo Salvini et de Forza Italia Silvio Berlusconi auraient prononcé leurs discours, appelant à aller aux urnes et à revenir au vote le plus vite possible. Ils ont ensuite changé d'avis quelque temps plus tard, rejoignant la large coalition qui soutient désormais le gouvernement Draghi.
Ces premieres mots du discours de la secretaire de FDI ont ensuite été repris par un musicien, qui les a sonorisés avec de la club musique.
Un peu d'histoire
Avant le Brexit et la sortie de la Grande-Bretagne des institutions européennes, le président du groupe des conservateurs et réformistes européens (ECR), aujourd'hui le troisième plus important au Parlement européen, était Martin Callanan.
Après 15 ans en tant que député européen, Callanan a perdu son siège à Bruxelles lors des élections de mai 2014.
Pendant de nombreuses années, l'ancien député européen a été membre de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, où il a produit de nombreux rapports.
Les années suivantes, Callanan avait été élu à la Chambre des Lords, l'équivalent de notre Sénat, lors des élections générales.
Pendant toute la durée de son mandat M. Callanan a longtemps été critiqué pour ses relations avec des lobbyistes, en particulier ceux de l'industrie de l'automobile, bien en dehors de sa capacité professionnelle.
À tel point que cela n'a pas fait grand bruit quand, en novembre 2014, Callanan a annoncé qu'il avait été engagé comme consultant par Symphony Environmental Technologies Group, un groupe qui opère à l'échelle internationale, comme indiquè sur son site internet, dans le développement et la commercialisation d'une large gamme de produits en plastique, ainsi que d'autres technologies naturelles.
Ca etè un sacré bond en avant pour l'ancien membre de la Commission de l'Environnement du Parlement européen, comme l'a souligné le PDG de Symphony au lendemain de l'annonce de son embauche. Entre autres choses, Symphony a développé le brevet pour le plastique oxo-dégradable, un plastique qui, selon le fabricant, peut être éliminé avec les déchets organiques.
Mais une étude réalisée en 2010 par le Ministère Britannique de l'Environnement (DEFRA) a révélé que le plastique oxo-dégradable n'est rien d'autre qu'un plastique conventionnel, auquel on a appliqué des additifs pour accélérer sa fragmentation. Par conséquent non seulement il ne peut pas être éliminé avec les déchets organiques, mais il ne peut pas non plus être éliminé avec les plastiques conventionnels, en raison de cette caractéristique spécifique.
Par ailleurs, selon un document sur les déchets plastiques élaboré par la Commission européenne en mars 2013, les plastiques oxo-dégradables augmenteraient le risque de fuite de microplastiques dans l'environnement, et donc aussi leur ingestion par les animaux, notamment les poissons, accélérant leur entrée dans la chaîne alimentaire. L'utilisation de ce type de plastique dans les composants accélérerait également l'obsolescence planifiée des produits électroniques qui les utiliseraient.
Le soutien de cette technologie, non seulement par l'ancien député Callanan mais aussi par son ancien parti conservateur, les Tories, a créé de sérieux problèmes pour l'image du parti, car les critiques se sont multipliées par les ONG environnementales et aissi par la presse du grand public. En fait, Callanan n'est pas le seul ancien conservateur à avoir été engagé par Symphony : en 1999 le meme groupe a engagé Nirj Deva, un autre ancien député européen du parti conservateur britannique, qui a ensuite été rejoint par Michael Stephen, un ancien député conservateur du Royaume-Uni.
Le Symphony Group ne figure pas actuellement sur le registre volontaire des lobbyistes de l'UE, bien qu'il semble être un client du groupe de lobbying Fleishman-Hillard. Au contraire le groupe de lobbying Fleishman-Hillard figure bien clairement sur le registre de transparence.
Selon Company House, Callanan a ouvert une société de conseil en Angleterre, MC Associates (Europe) Ltd, qui a pour clients un important lobbyiste européen, Eutop, basé à Berlin, qui ne semble toutefois pas figurer sur le registre de transparence, ainsi que le groupe parlementaire européen des conservateurs et réformistes (ECR). La preuve qu'on n'oublie jamais son premier amour.
La droite Italienne
Le manifeste de la droite Italienne peut se résumer à ces quatre piliers, qui semblent être parfaitement incarnés par la fondatrice du FdI, au point qu'elle a été élue présidente du groupe ECR.
Ce groupe dispose d'importants réseaux d'influence, tant européens que non-européens, étant donné qu'il est composé de 40 partis européens et non-européens.
Il s'agit notamment du parti Droit et Justice du Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, du parti de droite espagnol Vox, de la Nouvelle Alliance flamande belge, du Mouvement national bulgare et du Parti conservateur croate.
Mais les réseaux d'influence d'ECR apparaissent plus clairement à travers la participation de Meloni à deux initiatives organisées aux États-Unis : la Conservative Political Action Conference (CPAC), la revue annuelle des conservateurs américains, organisée par l'aile la plus extrême du parti républicain incarnée par Matt Shlapp, et le National Prayer Breakfast, un événement qui se tient chaque année le premier mercredi de février, au cours duquel des réunions, des déjeuners et des dîners sont organisés au Hilton International Ballroom. L'événement est accueilli par des membres du Congrès et organisé au nom de la Fondation Fellowship.
Le parcour de la jeune leader du parti de droite Italienne part du projet de reconstruire une droite crédible, après la fusion froide avec Forza Italia et la naissance du Parti des libertés, et l'érosion conséquente du consensus et de la crédibilité due en partie aux ennuis judiciaires du leader du principal opposant, Silvio Berlusconi.
Comme nous le disions, ce fut un long voyage dont les principales coordonnées ont été la reconstruction d'une image indépendante et crédible.
Une image politique en partie mythifiée, à l'instar du parcours politique de son leader, décrit dans son dernier travail litteraire "Je suis Giorgia" : née à Rome en 1977, elle décide à 15 ans de s'engager en politique dans le mouvement étudiant (Azione Giovani, dont elle devient présidente) tout en travaillant comme baby-sitter et barman. Elle a été élue par sa premiere fois conseillère de la Province de Rome en 1998.
Lors des élections de la 16e législature (29 avril 2008 - 23 décembre 2012), à l'âge de 29 ans, elle remporta son premier siege dans la Chambre des députés. En 2008 elle est nommée ministre de la Jeunesse dans le quatrième gouvernement Berlusconi. Le même gouvernement qui avait Nicola Cosentino comme sous-secrétaire à l'économie et Giancarlo Galan comme ministre du patrimoine et des activités culturelles. Outre les sous-secrétaires à la présidence, Aldo Brancher et Francesco Belsito.
A partir de ce bref excursus, on peut comprendre la difficulté de recréer un parti de droite crédible et capable d'obtenir un consensus.
Mais après une longue période, le consensus est finalement arrivé, avec la conquête aux élections locales de la présidence de deux régions, Abbruzzo e Marche, et de plusieurs municipalités importantes comme Ascoli et L'Aquila.
Ce poids institutionnel plus important se traduit également par un plus grand pouvoir de négociation lors des prochaines élections du Président de la République, où le vote du FdI ne doit pas nécessairement correspondre à celui de Forza Italia et de la Lega. (cm)