
Suite aux assassinats des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, tous les deux interviewés avant leur mort par des journalistes français sur l'extension du phénomène mafieux en Europe, le 6 août 1992 le député français Xavier De Villepin a remis au ministre de l'Intérieur de l'époque, Paul Quiles, une question ecrite. "(Le deputat) il souhaiterait obtenir des informations sur l'implantation de cette organisation et sa pénétration dans notre pays" on lit dans le texte de la question ecrite.
Et ensuite: "Connaît-on l'importance de ce réseau et les services du ministère sont-ils au courant d'investissements réalisés à la suite du blanchiment de l'argent de la drogue ? Par ailleurs, il serait intéressant de connaître les mesures prises pour lutter contre la Mafia en France".
La réponse du ministre de l’intérieur viennent donnée quelques mois plus tard, le 10 décembre:
"Les récents attentats qui ont coûté la vie à deux magistrats italiens ont suscité une vive et légitime émotion tant en Italie qu'en France, et en Europe, et ont renforcé les services de police dans leur volonté de lutter plus efficacement contre les manifestations du phénomène mafieux. L'action conjuguée des services spécialisés de la police nationale qui portent leur attention sur des investissements réalisés dans l'immobilier, les loisirs, l'hôtellerie et divers secteurs susceptibles d'attirer des capitaux d'origine frauduleuse n'a pas permis, à ce jour, de révéler l'implantation sur notre territoire de structures criminelles organisées. Cependant, des traces localisées d'activités mafieuses ont pu être ponctuellement détectées et ont fait l'objet de poursuites judiciaires, avec arrestations de malfaiteurs. Les services de la police nationale restent très vigilants et portent un intérêt particulier sur les investissements d'argent sale susceptibles d'être opérés et procèdent, au travers de réunions bilatérales, à des échanges d'informations avec les services italiens. Les préoccupations de la lutte contre la Mafia ont été élargies à l'ensemble des pays européens, par l'établissement de relations entre services de police spécialisées de la CEE. Dans ce cadre, les ministres de l'intérieur et de la justice européens se sont réunis à Bruxelles le 18 septembre 1992 en vue d'étudier ensemble les mesures permettant de lutter plus efficacement contre cette organisation criminelle. C'est ainsi que la lutte contre la criminalité organisée est une mission nouvelle confiée à Europol, Office européen de coopération policière entre les douze Etats membres, qui commencera à fonctionner dès janvier 1993, sous la forme d'une unité Drogues chargée d'échanger des renseignements sur le trafic des stupéfiants. Les ministres ont également décidé la création d'un groupe de travail européen associant des policiers et des magistrats. Ce groupe devra, dans les six mois, faire des propositions pour lutter contre la criminalité organisée de type mafieux. Enfin, les informations émanant des différents services feront l'objet d'une centralisation au sein du ministère de l'intérieur et de la sécurité publique dans la perspective de dégager une vue d'ensemble du phénomène sur la France et de l'analyser, ce qui permettra d'engager des actions particulières. Pour ce faire, le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique a annoncé, lors de la conférence de presse qu'il a tenue le 24 septembre 1992, la création, au sein de son ministère, d'une cellule de coordination du renseignement et d'action anti-mafia auprès du directeur général de la Police nationale : l'UCRAM". (cm)