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Billet de blog 4 août 2018

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Gilles Clavreul, le Tartuffe de la République

Lutte contre l'homophobie, laïcité, neutralité : le cofondateur du Printemps républicain et de l'Aurore défend ces valeurs avec la même sincérité que Tartuffe prêchait la dévotion.

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Lâche face à l'homophobie

Le 27 juillet 2016, dans une homélie au père Hamel assassiné une semaine plus tôt, le cardinal André Vingt-Trois s'enflammait en ces termes : «  Silence des élites devant les déviances des mœurs et légalisation des déviances ». Ce silence contribuerait à une inquiétude « sur laquelle l’horreur des attentats aveugles vient ajouter ses menaces ». Le lien était donc fait entre les droits des LGBT, qualifiés de « légalisation des déviances » et le terrorisme.

La violence homophobe n'a pas fait réagir le président François Hollande qui assistait avec son gouvernement à l'homélie. Ni le premier ministre Manuel Valls. Ni Gilles Clavreul, dont la lutte contre l'homophobie venait pourtant officiellement d'être ajoutée aux missions de la Dilcra devenue au début de l'été Dilcrah (Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT).

Ce rajout avait inquiété les associations concernées et il n'avait pas fallu bien longtemps pour que la lâcheté de Gilles Clavreul face à l’Église catholique ne leur donnât raison. Après un silence de deux jours, le Dilcrah s'était contenté d'un tweet annonçant une demande d'audience au cardinal. La République laïque demandait donc humblement une audience, dont on n'eut ensuite aucune nouvelle, pour une atteinte directe à la loi de 1905 (notamment son article 35) et une attaque d'une violence inouïe contre la dignité et les droits des personnes LGBTI+.

Mais pour le Tartuffe de l'universalisme et de la laïcité, ces droits et cette dignité ne valaient pas une messe.

La neutralité, c'est pour les autres

Pendant la campagne présidentielle, Gilles Clavreul s'est autorisé des largesses dans le devoir de neutralité (et surtout celui de réserve d'un fonctionnaire d'autorité). Tartuffe disait à Elmire : « Ah ! Pour être dévot, je n'en suis pas moins homme ». Gilles Clavreul sur Facebook était moins concis, comme le rapportait cet article :

« Je soutiens Manuel Valls pour le second tour de la primaire car je veux que la gauche républicaine soit représentée à l’élection présidentielle de 2017. Je sors de mon rôle ? Tant pis, car je crois qu’il le faut, et j’accepterai les reproches que cela me vaudra. La neutralité est une valeur que je chéris, mais aujourd’hui je la mets en balance avec une valeur non moins belle, qui est celle de l’engagement. »

Au mépris du code de la fonction publique, Gilles Clavreul se dispensait d'une règle à laquelle sa fonction le tenait : la neutralité. C'est pourtant cette neutralité qu'il prétend défendre ce vendredi 3 août en falsifiant une tribune signée par des représentantes d'organisations européennes défendant les droits des musulmanes pour les accuser de vouloir remettre en cause la laïcité, qu'il réduit à la neutralité vestimentaire.

Dans leur texte, les signataires alertent sur le mésusage fait de la neutralité, dont elles défendent sans ambiguïté le principe. Selon elles, ce mésusage entraine  l'inflation en Europe de lois excluant de plus en plus du monde du travail les femmes assignées à l'islam. Masquant le statut européen du texte, donc la multiplicité des régimes assurant la liberté de conscience et la non-discrimination en raison des convictions, Gilles Clavreul voit dans cette tribune une attaque contre la neutralité de l’État, celle-là même dont il se moquait pourtant en période électorale.

Ainsi, un homme blanc fonctionnaire d'Etat peut en quelques années affirmer haut et fort qu'il se passe du devoir de neutralité (bien plus général que la seule neutralité religieuse, au demeurant), puis refuser que des femmes noires, arabes, musulmanes et leur soutien questionnent les récentes évolutions de l'application de ce principe dans le domaine de l'emploi, et leurs conséquences en matière de discrimination. 

Le religieux à l'école

Sur Twitter, Gilles Clavreul n'a pas supporté que je corrige la falsification que lui et plusieurs autres militants habitués du fait ont opérée sur la tribune. Il s'en est donc pris à moi, remettant en cause mes compétences sur la laïcité, mon professionnalisme – tout en montrant qu'il connaissait très peu les textes encadrant l'enseignement de la laïcité.

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Dans ces échanges, j'ai souvent rappelé à l'intéressé sa lâcheté passée envers André Vingt-Trois. Voici ce qu'il a fini par me répondre : « [Le cardinal] vous bénit en pensant que grâce à votre défense et illustration de la liberté religieuse dans les services publics, il sera bientôt prof à vos côtés. Je tiens à être là le jour de la rentrée des classes, quand il vous saluera d’un 'bonjour collègue !' »

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Alors que je suis homosexuel, que je subis l'homophobie quotidiennement, que j'ai été victime d'agressions qui m'ont valu des arrêts, que j'ai lutté pour le Pacs, le mariage et la PMA que les « universalistes républicains » nous refusaient, un préfet qui a cautionné par son silence de lâche l'homophobie publiquement crachée d'un responsable catholique me traite en complice de l'intrusion du religieux à l'école.

Au-delà de l'insulte personnelle, qui n'étonneront que celles et ceux qui ne connaissent pas les pratiques quotidiennes de Gilles Clavreul, ce tweet illustre à nouveau les tartufferies du fondateur de l'Aurore. Car en soutenant  Valls, il a soutenu un complice de l'intrusion du religieux dans l'État et à l'école.

Quel candidat aux primaires socialistes avait le programme le moins avancé en matière de droit des personnes LGBT+ ? Manuel Valls, soutenu par Clavreul au mépris de son devoir de neutralité.

Qui est responsable de la pire atteinte à la laïcité depuis la loi de 1905, l'annonce depuis le Vatican du refus d'ouvrir la PMA aux couples de femmes ? Manuel Valls, soutenu par Clavreul au mépris de son devoir de neutralité. Qui, pour en revenir au religieux à l'école, est responsable de la deuxième pire atteinte à la laïcité depuis la fin du dix-neuvième siècle, à savoir l'abandon des ABCD de l'égalité, des outils de prévention du sexisme et de l'homophobie ? Manuel Valls, soutenu par Clavreul au mépris de son devoir de neutralité, et appuyé à l'époque par son futur rival Benoit Hamon.

Sans que cela n'ait gêné Clavreul dans son soutien affiché, le bilan catastrophique de Valls en matière de neutralité scolaire ne s'arrête d'ailleurs pas au religieux : l'explosion des partenariats avec le privé (par exemple pour les sorties scolaires et les projets), un contrat signé avec le Windows, sans appel d'offres, pour la formation des enseignantEs, etc.

Mais n'élargissons pas trop : il risque de ne pas comprendre, le Tartuffe de la laïcité pour qui la neutralité est une règle qu'il peut piétiner quand d'autres ne pourraient même pas en discuter, et qui, depuis la lamentable affaire du Bikini de Reims où il s'était ridiculisé, ne lui sert qu'à discréditer mensongèrement des femmes assignées à l'islam et témoignant des discriminations qu'elles subissent.

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