« C'est en parlant de là où on est, depuis sa singularité, que l'on parle le mieux et le plus aux autres » Alain Guiraudie dans les Inrockutptibles, 1/01/2014
On ne saurait mieux dire. C'est bien pour cela que des associations de lutte contre le sida, partant de là où elles sont, depuis leur singularité, ont dénoncé la loi pénalisant les clients de prostituées. C'est bien pour cela que les travailleuses du sexe, notamment par le biais du seul syndicat qui les défendent, le STRASS, combattent ce projet de loi. Et c'est bien pour cela qu'on attend de personnes qui se sentent autorisées à intervenir dans ce débat qu'elles le fassent de façon éclairée et exemplaire.
A propos de la parole des prostituées, de leur singularité, de là où elles parlent, Guiraudie hurle avec les loups et invalide par avance leur parole : « Certes, certaines prostituées le font librement, comme certains prennent le coke ou de l'héroïne même si c'est interdit ». Et il enchaîne : « Moi-même, je fais certaines choses interdites tout en ayant conscience que ce soit bien que ce soit interdit ». Qui ira lui dire que la prostitution, en France, n'est pas interdite ? Qui ira lui dire que l'assimilation de la prostitution à la drogue est une insulte, autant aux putes qu'aux droguéEs, tant il semble clair que pour lui l'usage de drogue résume et rabaisse la prostitution et vice-versa ?
Piétiner la parole des putes en toute ignorance des lois sur la prostitution ne suffit pas à Guiraudie, il faut encore qu'il décide ce qui est bien ou mal en matière d'exploitation. Faire de gros appels du pied aux grosses machines du cinéma, via les Inrockuptibles, en reniant son passé artistique, n'est pas de l'ordre du mal : c'est même une forme de racolage organisée et cela semble très bien quand on a le vent en poupe. Guiraudie ne semble avoir aucun problème avec cette incarnation là du libéralisme.
Mais vendre son corps pour des services sexuels : ouh là là, c'est mal, parce que je définis à votre place les limites de votre pudeur et de votre sexualité et que moi, Alain Guiraudie, je sais mieux que vous ce qui est bon pour vous :
« Fondamentalement, je suis contre la prostitution, donc plutôt pour la loi pénalisant le client »
« Est-ce que la pénalisation du client est la bonne solution ? J'en sais rien. »
Entre ces deux phrases, une douzaine de lignes d'écart.