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Billet de blog 7 mai 2024

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Transphobie et complotisme antisémite : l’exemple Dora Moutot

Pour la militante d'extrême-droite Dora Moutot, de riches juifs financent un "lobby trans" pour détruire la civilisation occidentale.

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Le 19 août 2022, l’influenceuse d’extrême-droite transphobe Dora Moutot relaie sur Twitter un article de Jennifer Bilek, une militante américaine proche des néo-naziEs. Le texte est publié sur un site évangélique d'extrême-droite qui entend proposer une « philosophie religieuse pour remettre de l'ordre dans la société ». Ce site est anti-choix et se réjouit de la restriction du droit à l'IVG aux États-Unis. Le texte que Dora Moutot assume de relayer s'inscrit dans une campagne complotiste, transphobe et antisémite portée depuis des années par l'extrême-droite américaine. Il présente un « lobby trans » international gavé d'argent et menaçant les traditions et la société. Les financeurs cités sont tous juifs. On y trouve George Soros et sa fondation Open Society, cibles habituelles de l'extrême-droite antisémite. Dora Moutot donne donc de la force à un discours qui fait de riches juifs les financeurs d'un projet de déstabilisation des civilisations.

Sa caution à l’antisémitisme ne s’arrête pas ici. Dora Moutot appelle ses détracteurs la « wokestapo », assimilant donc des militantEs LGBTQI, qui ont été victimes des nazis, à la police secrète nazie en charge de réprimer les cibles désignées. Le 30 avril dernier, elle a ainsi nommé l’élu communiste de la ville de Paris, descendant de déportés, Ian Brossat.

D’une façon plus générale, le discours tenu par Dora Moutot s’inscrit dans un complotisme généralisé, qui fait des « transactivistes » des agents infiltrant l’État, grâce à des subventions de « Big Pharma ». Je reviendrai plus en détail sur ce complotisme des transphobes.

A l’époque, l’antisémitisme complotiste validé par Dora Moutot n'empêche pas le journal Marianne de publier les contributions de l'intéressée, ni les députées LREM Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, Caroline Dayan et Astrid Panosyan-Bouvet de la recevoir et de la soutenir. Raphaël Enthoven la retweete et la défend, Léa Salamé l'invite sur France 2, Renan Planchon l'interviewe pour le Figaro, sans jamais poser de questions sur la thèse antisémite. Le responsable du Printemps républicain à Science Po, Maxime Loth, va même jusqu’à relayer son post promouvant l’article de Jennifer Bilek. Il y aurait donc chez les « universalistes » un antisémitisme respectable, et le discours faisant de juifs de riches financeurs d’un complot contre la société et la famille ne leur pose aucun problème. Jamais Dora Moutot n’aurait aujourd’hui une telle influence sans le soutien, tacite ou affirmé, de ces « universalistes », ni le relai du service public télévisé.

Aujourd’hui Dora Moutot passe chez Sud Radio (habitué du complotisme antisémite, notamment dans le cadre de propagande antivaxx), Valeurs Actuelles (condamné pour incitation à la haine raciale, relai de campagne antisémite contre Soros), Cnews, Le Journal du Dimanche, Livre Noir (antivaxx, antisémite), Omerta (antivaxx, antisémite), au Figaro, par exemple chez Eugénie Bastié, proche de l’Action française. Quand on lui rappelle ses postures antisémites, elle fait valoir ses ascendant-es persécuté-es par les nazis. Ainsi, Dora Moutot est tellement transphobe qu’elle est prête à instrumentaliser la mémoire de sa famille pour réactualiser aujourd’hui les discours qui ont valu à cette famille d’être persécutée, et que l’influenceuse d’extrême-droite entend aujourd’hui mettre à profit contre les personnes trans.

 Démonter la transphobie est indispensable mais insuffisant. Il faut aussi défendre les droits des personnes trans, par exemple en signant la pétition lancée par Toutes des femmes appelant à un changement d’état civil libre et gratuit, sans passer par un juge. Il faut aussi soutenir les conditions matérielles des personnes trans, par exemple au Fonds d’action social d’Acceptess-Tet promouvoir une solidarité internationale avec les personnes trans du monde entier. L’expertise de fond des associations, telles qu’elles se traduisent dans le Wikitrans ou dans les débunkages faits par Toutes des femmes, devrait être diffusée un peu partout. Enfin, les politiques antisociales du gouvernement frappent plus durement les minorités, notamment les personnes trans et doivent aussi être combattues.

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© Toutes des Femmes

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