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Madame, Monsieur,
Vous parrainez les assises contre le harcèlement scolaire organisées par la région Auvergne-Rhône Alpes ce vendredi 15 mars. Enseignant et victime moi-même de harcèlement, notamment homophobe, je vous suis reconnaissant de cet engagement. Je tenais cependant à vous alerter sur les organisateur-rices de cet événement.
Le harcèlement scolaire prend diverses formes et prétextes : « Les pauvres sont le cancer de la société, tes parents sont paresseux, ils sont à notre charge » pourrait-on par exemple entendre comme invective à un enfant de chômeurs ; à un-e élève ne correspondant pas aux normes de la masculinité ou de la féminité, affirmant trop sa différence comme ce fut encore récemment le cas dans un lycée et à la télévision, on pourrait entendre : « Non à la banalisation de l'homosexualité. N'en faites pas des tonnes, nous sommes la majorité. Ras le bol » ; à des enfants de lesbiennes, on dit déjà : « Elles ne seront jamais des familles comme les autres » ou « t'es le fruit d'expériences de nazis ». Le mépris de classe, le sexisme, l'homophobie, le racisme, le validisme, ne sont pas les seuls catalyseurs du harcèlement à l'école, mais ils y jouent un rôle conséquent.
Or, les propos que j'ai cités ne sont pas des fictions crédibles de moqueries entendues dans une cour de récréation et proférées par des enfants ou des ados. Ce sont les propos, authentiques, d'adultes - en l'occurrence de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et d'Anne Lorne, élue de sa majorité et membre du mouvement opposé à l'égalité des droits pour les homos, Sens Commun. Ce sont ces mêmes personnes qui, par leur propos publics, alimentent la haine à l'égard de populations entières, qui déclenchent, nourrissent ou renforcent le harcèlement.
Leur responsabilité ne se limite pas aux seuls propos publics. La politique qu'il et elle mènent à la région est incompatible avec tout engagement contre le harcèlement scolaire. Anne Lorne menaçait : « si j'étais élue, les premiers à voir leur subvention sauter seraient LGBT [Sic] et SOS Raciste ». Comment lutter contre le harcèlement quand on prive des financements nécessaires les associations qui le préviennent ces actes ou aident les victimes ? Concernant les associations de lutte contre l'homophobie, la région dirigée par Laurent Wauquiez a mis sa menace à exécution et baissé ou mis fin aux subventions.
Si la région en tant que telle est une institution légitime pour mener le combat contre le harcèlement scolaire, celles et ceux qui l'occupent aujourd'hui entretiennent les causes qui mènent au harcèlement, en désignant à la vindicte publique une partie de la population désignée comme bouc-émissaire.
Loin de tout engagement partisan ou politicien, le pédagogue Eric Debarbieux explique aujourd'hui renoncer à participer à ces assises : « Monsieur Wauquiez le rôle des adultes est primordial, et il doit être exemplaire. Quand le discours politique, quand les affirmations sociétales des adultes prêchent la haine de l’autre, quel que soit l’autre, comment s’étonner de les retrouver dans les insultes de cours de récréation, dans les tweets orduriers et dans les exclusions en réseau. »
Vous êtes bien placé-e pour savoir le mal que peut faire le harcèlement scolaire, pour imaginer ce que peut vivre un enfant à qui on dit que ses deux pères ou deux mères, ou sa mère célibataire, ne forment pas une « vraie famille », ou que ses parents sont pauvres et voleurs, ou qu'il ne faut pas paraitre trop efféminé ou masculin de peur d'être harcelé comme « pédé » ou « gouine ». Ce sont précisément ce type de discours qu'il faut combattre car ils nourrissent le harcèlement scolaire. Ce sont précisément ce type de discours que les organisateur-rices de l'événement que vous parrainez alimentent.
Il me semble indispensable de refuser de cautionner une telle hypocrisie. Et si le message que vous entendez porter en parrainant cet événement vous semble plus important qu'un boycott, j'espère que vous saurez au moins condamner fermement et publiquement le double langage de Laurent Wauquiez et Anne Lorne, et leur complicité indéniable au harcèlement dont sont victimes des populations entières.
Sincèrement,
Jérôme Martin
Enseignant,
Militant homo