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Billet de blog 16 mars 2025

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Un antisémitisme acceptable ? Le cas « Franc-Tireur »

Le magazine dirigé par Caroline Fourest a eu à plusieurs reprises recours à des ressorts antisémites sans susciter un scandale d’ampleur.

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En Une du numéro de lancement de Franc-Tireur, le 17 novembre 2021, l’illustratrice Le Meur a représenté Éric Zemmour le nez long et crochu, les oreilles pendantes, le teint vert. Il s’agit d’une reprise de plusieurs ressorts antisémites. On les retrouve dans l’illustration d’un article du même numéro, où Éric Zemmour est dessiné en bébé de la crèche. Dès son premier numéro, le magazine validait les ressorts les plus saillants de l’iconographie antisémite.

Illustration 1
Illustration 2
Illustration 3

Ces mêmes ressorts se retrouvent dans d’autres Unes de l’hebdomadaire1, par exemple en Une du numéro 16 ou encore dans deux autres. Dans le numéro 71, un article sur Cyril Hanouna est illustré par la même dessinatrice : il a le nez crochu, les oreilles pendantes, les sourcils arqués lui donnant un air menaçant2.

Illustration 4
Illustration 5
Illustration 6
Illustration 7

Aucun de ces dessins3 n’a suscité le scandale qu’une telle validation de l’antisémitisme mériterait. C’est ce scandale qu’a légitimement créé l’affiche antisémite de LFI sur Hanouna. Mais la reprise régulière par Franc-Tireur de cette même iconographie anti-juive ne suscite aucune réaction d’ampleur, comme si elle était légitime. Il existerait donc un antisémitisme acceptable ?

Les fondateurs de Franc-Tireur ont donné de la voix contre LFI, objet d’une dénonciation massive et légitime après leur affiche antisémite visant Hanouna : sur RCJ, le 13 mars, Christophe Barbier dénonce une « affiche évidemment reprenant les codes des affiches antisémites des années 30 » ; le 12 mars 2025, sur Twitter / X, Raphaël Enthoven écrit que le visuel « reprend tous les clichés de l'iconographie antisémite » ; sur le même réseau, le 14 mars 2025, Caroline Fourest, directrice de publication, explique que cette affiche ne fait que « feindre de dénoncer l’extrême droite en reprenant ses codes. » C’est pourtant très exactement ce qu’elle a autorisé, à de nombreuses reprises, en validant comme directrice de publication les visuels sur Zemmour ou Hanouna au sein du journal qu’elle dirige.

Combattre des ressorts antisémites chez les autres alors qu’on les met en avant dans son propre média, c’est indiquer que la dignité des personnes juives, la lutte pour sortir d’un imaginaire forgé par des siècles de tolérance à des représentations racistes, ne sont plus des priorités quand il s’agit de son propre discours. C’est anti-universaliste et antisémite.

1Plusieurs dessins ont été mis en avant par le compte Twitter / X de Kim Schwartz : https://x.com/KimSchvartz/status/1900896068490993995

2https://x.com/Moopsyw/status/1900957551526645900

3Je me concentre ici sur l’iconographie, mais rappelons que Franc-Tireur a appelé un article contre le groupe antisioniste Tsedek ! « Juifs mais pas trop » (numéro 161), conditionnant la judéité d’une personne à ce qu’elle pense.

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