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Billet de blog 17 mai 2023

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Fonds Marianne (2) : darwinisme social et complotisme antisémite

Le fonds Marianne a servi à financer du contenu plus que problématique, dont des propos climato-sceptiques, empreints de complotisme antisémite.

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Le Fonds Marianne a servi à financer une série de vidéos, « A la Bonne Franquette (ALBF) » qui s'inscrivent dans un projet plus large de l'association Reconstruire le Commun, deuxième bénéficiaire de ce fonds. Elles ont été pointées du fait de passages critiquant des opposants politiques d'Emmanuel Macron en pleine période électorale.

Le débat public se concentre sur ce seul problème. Pourtant, on trouve aussi dans ces émissions du contenu complotiste, antisémite, climato-sceptique, des injonctions sanitaires confinant au darwinisme social, et une logique visant systématiquement à cliver la société.

Ainsi, dès la première émission, mise en ligne le 19 janvier 2022, cet échange qui se termine en appel à « mettre en quarantaine les petits vieux et les petits malades » après avoir expliqué que la jeunesse saine avait été « sacrifiée » car elle ne « risquait rien » avec ce virus :

Fonds Marianne : darwinisme social et désinformation sur le Covid © meromejardin

Cette injonction empreinte de darwinisme social conclut une séquence marquée par de la désinformation sur le virus, dont les effets à long terme sur les jeunes (sur le cerveau, la respiration, les problèmes cardiaques par exemple), notamment en cas de réinfections, étaient déjà documentés lors de l'enregistrement de l'émission, et ont été largement confirmés depuis. L'échange est marqué par une volonté d'opposer jeunes et vieux1 en transformant un vrai problème, les effets psycho-sociaux du confinement, en drame d'une « jeunesse sacrifiée », alibi à un discours revanchard que la blague de l'animateur, sur le dos de nos anciens morts du COVID, et qui sera répétée un peu plus tard dans l'émission, a du mal à masquer. Enfin, le recours à une nature qui « est ce qu'elle est » et à un virus qui n'est qu'une « information génétique » assure la promotion d'un discours fataliste, à l'opposé de toute pédagogie politique sur les actions de santé publique, pédagogie indispensable si on entend débattre sur la pertinence de mesures telles que le confinement.

Rien dans ce discours n'a posé de problème aux responsables du projet : Ahlam Menouni, Johann Margulies, Benjamin Vulbeau (trésorier de l'association au moment du dépôt de la demande), Célina Barahona, etc. Elles et ils ont publié ce contenu sans y voir le moindre problème. De même, rien dans ce discours n'a amené le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), à demander au plus vite des comptes à l'association. Le contenu était pourtant en ligne et cette administration était en charge aussi du bon usage du fonds Marianne.

Dès lors, comment s'étonner que dans l'épisode 3, mis en ligne le 22 février 2022, que l'on retrouve de nouvelles provocations, cette fois-ci climato-sceptique, complotiste et antisémite.

Fonds Marianne, climato-scepticisme et complotisme antisémite © meromejardin

Le chroniqueur peut dérouler sans être recadré un argumentaire visant à faire de deux personnalités juives, parmi lesquelles George Soros, cible privilégiée de l'extrême-droite antisémite, qui n'ont strictement rien à voir, une « minorité qui manipule la masse », à savoir les jeunes manifestants pour l'écologie. L'argumentaire s'appuie une fois de plus sur la volonté de cliver la société entre jeune et vieux, et sur une remise en question de l'urgence climatique. Là encore, ce passage a été accepté par les responsables de Reconstruire le commun, dont certains sont présents au moment du tournage.

Ces deux passages ne sont que les points les plus saillants d'un contenu opposé aux principes du fonds Marianne, contenu structurellement problématique et constamment clivant, comme on le verra dans le billet suivant.

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1Bien loin de ce discours agiste et clivant, plusieurs de mes élèves lycéens, ont parfois été absents des cours à distance car ils allaient faire les courses pour leurs grands-parents et leur garantir un minimum d'exposition à l'extérieur.

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