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Le communiqué des deux associations appelle à l'exclusion d'Agnès Thill1, un rendez-vous avec Stanislas Guerini, le délégué général du mouvement. Il demande aussi à « activer l’association LGBT+ EnMarche! dont les statuts ont été déposés mais qui n’a en réalité jamais vu le jour, afin de mieux sensibiliser le parti politique sur les questions LGBT+ ». Comme si promouvoir un alibi à la politique d'En Marche allait avoir la moindre efficacité.
Après avoir rappelé les propos lesbophobes de la députée Agnès Thill, qui ne lui ont valu qu'une simple mise en garde, SOS Homophobie et l'ADFH écrivent : « À l’heure où le Président de la République a dénoncé devant le CRIF le réveil de toutes les formes de haine, et a appelé à la lutte des haines citant la haine anti-LGBT+, en appelant de ses vœux le vote d’un dispositif renforcé au parlement au mois de mai 2019, force est de constater que le parti de la République en Marche reste sourd au discours présidentiel sanctionnant d’une simple mise en garde des propos dont personne ne conteste l’homophobie. »
Ce communiqué pose plusieurs problèmes. D'une part, renvoyer la décision du parti à de la « surdité » est incorrect. Certes, l'usage de ce terme pour qualifier des responsables politiques coupé-es du réel et des besoins exprimés est fréquent. Il n'en est pas moins irrespectueux des personnes sourdes, et inadéquat pour décrire la situation. Elles ne peuvent pas entendre et ont à faire face au handicap généré par la société et les politiques qui leur refusent l'accessibilité. Rien à voir avec un parti qui prend une décision cautionnant l'homophobie.
D'autre part, les associations tentent de présenter le parti créé et contrôlé par Emmanuel Macron en opposition à celui-ci sur les questions d'homophobies et de transphobie. Faut-il le rappeler ? En Marche est un mouvement ad hoc élaboré et vivant sous le contrôle absolu de l'actuel président. Est-ce sans l'accord d'Emmanuel Macron qu'ont été retenues les candidatures aux législatives de Vincent Bru, opposant à l'ouverture du mariage, ou Olivier Serva qui pose publiquement l'homosexualité comme « abomination »2 ? Est-ce dans le dos d'Emmanuel Macron que le sympathisant de la Manif pour tous Gérald Darmanin est au gouvernement et gère l'argent public ? Que Gérard Collomb a été ministre de l'Intérieur alors qu'il s'afficha en photo avec la Manif pour tous et, sénateur, obtint par chantage au vote le retrait de l'ouverture de la PMA des débats sur le mariage en 2012 et 2013 ?
Depuis deux ans, ce qui reste de séparation des pouvoirs est abattu, le droit du travail est démantelé par ordonnances avec l'approbation du groupe parlementaire LREM, les député-es de la majorité sont privé-es, sans trop de réaction de leur part, de toute initiative, ils ou elles sont menacé-es ou exclu-es pour des votes contre l'austérité budgétaire ou les mesures racistes de la loi dire « Asile et Immigration », la commission des député-es enquêtant sur Benalla est téléguidée par l'exécutif. Dès lors, comment peut-on postuler un mouvement comme En Marche déconnecté de l'homme qui le contrôle totalement ?
De plus, SOS Homophobie et l'ADFH s'appuient sur le discours présidentiel lors du dîner du CRIF. Or, la mesure proposée dans ce discours vise moins à lutter contre « toutes les formes de haine », puisque la politique de Macron, comme on va le voir, ne cesse de les alimenter. Elle a pour but d'étendre le domaine de la censure en la parant d'alibi humaniste3. Après des restrictions en droit et en fait sur la liberté de manifester, des menaces en cours sur les fonctionnaires de l’Éducation nationale critiquant l'institution, un projet de réglement européen directement inspiré par la France et son ministre de l'époque Gérard Collomb facilitant la censure privée, Macron annonce donc d'autres mesures liberticides.
Il y a urgence à ce que la lutte contre les LGBTIphobies, notamment dans ce qu'elle a de plus institutionnelle, s'empare de façon critique de ces propositions. Comment croire à la bonne foi d'Emmanuel Macron quand on sait qu'il a attendu des mois de médiatisation croissante des agressions LGBTphobes pour sortir de son silence ? Comment imaginer que la lutte contre les discours de haine est sa priorité quand sa politique prive la justice des moyens qu'elle a de les réprimer avec le cadre législatif déjà existant ? Comment peut-on l'ériger comme modèle de lutte contre les LGBTIphobies et « toutes les formes de haine » quand ses discours et sa politique ne cessent de les renforcer ?
Car qui est cet homme que SOS Homophobie et l'ADHF présentent comme modèle des luttes LGBTI ? Le président qui pense que les militantEs de la Manif pour tous ont été "humiliéEs" sous Hollande. Qui refuse la PMA et détermine le calendrier parlementaire au nom de ce refus. Qui confie aux évêques de France la prise en charge des familles qu'il appelle "homosexuelles". Qui attend des mois et une pression médiatique pour se positionner sur les agressions homophobes, qui ne dit rien sur le meurtre transphobe de Vanesa Campos. Qui crache son mépris à la face de deux militantes lesbiennes qu'il avait refusé d'inviter dans un premier temps. Qui fragilise les associations par des baisses de subvention, des emplois aidés supprimés sans solution alternative ou la suppression de l'ISF impactant les dons. Qui fait expulser des personnes LGBTI+ dans des pays où elles seront persécutées, enfermées, assassinées.
Oui, qui est cet homme, parangon des combats contre « toutes les formes de haine » ? Emmanuel Macron, élu pour faire barrage au FN et qui applique la politique du FN, une politique migratoire saluée dès l'été 2017 par Génération Identitaire. Le président blaguant sur les noyades de migrantEs. Enfermant des enfants à tour de bras, en abandonnant d'autres à la rue. Affamant et assoifant les migrant-es à la rue, les privant de douche. Allongeant les délais de rétention, restreignant les droits de recours face aux adminstrations. Étalant ses préjugés racistes, sexistes et eugéniste sur « le ventre des femmes africaines ». Rendant hommage à Pétain, préparant un hommage à Maurras. Piétinant la liberté d'expression et de manifestation. Faisant fermer les écoles pour enfants sourds – cette surdité que nos deux associations prennent comme motif de disqualification politique. Démantelant le droit du travail, exposant chaque travailleur-se à plus de risque et d'arbitraire. Entretenant les inégalités dans tous les aspects de sa politique, fiscal, économique, social, culturel, etc. Crachant sa haine et son mépris des pauvres, des chômeurs-ses, des travailleurs-ses, des jeunes.
Homophobies, racisme, sexisme, transphobie, validisme, mépris de classe : c'est cela, l'étalon de la dignité humaine ? Comment s'étonner que nos luttes stagnent avec un niveau si bas d'exigence de nos représentantEs les plus institutionnelLEs ? Comment lutter contre l'homophobie en validant un président menant une politique homophobe, contraire à toute dignité humaine, gérant la politique à coup d'inégalités ? Comment ne pas voir que ce communiqué soutient la propagande de Macron, et la volonté des homophobes de restreindre la définition même de l'homophobie, en posant « la ligne rouge » dans les propos dégueulasses d'Agnès Thill et non dans la pratique quotidienne de Macron et dans la hiérarchisation de la société qu'il entretient et exploite pour se maintenir au pouvoir ?
Image de Une : michael warren de Kidderminster, UK [CC BY 2.0 (https://creativecommons.org/licenses/by/2.0)]
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1« Les personnes LGBT+ et leurs enfants ne doivent pas faire les frais de l’homophobie de député·e·s qui, sous couvert d’une liberté d’expression, entament en réalité la dignité et le respect des personnes LGBT+. »
2Au-delà de l'homophobie, En Marche a validé la candidature de Claire O'Petit qui déclara publiquement ses pulsions homicides envers les musulman-es ou sa haine des rroms, ainsi que celles d'une quinzaine de personnes qui avaient voté pour la reprise de la mesure raciste défendue de longue date par le FN et repris par Hollande et Valls : la déchéance de la nationalité pour les terroristes.
3Le discours avait aussi pour but de stigmatiser musulman-es et banlieue, et d'assimiler toute critique de la politique d'Israël à de l'antisémitisme.