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Billet de blog 30 décembre 2018

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Blandine Brocard et les enfants de 7 ans

Une députée En Marche, Blandine Brocard, instrumentalise son fils de 7 ans pour critiquer un visuel de couverture de magazine représentant Macron. La naïveté qu'elle présuppose chez les enfants, alibi constant des censeurs de tout poil, ne l'empêche pas de participer à une majorité qui enferme massivement les mineurs les plus jeunes en rétention.

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Le magazine du Monde consacre sa Une à Macron. Le visuel suscite l'indignation d'En Marche et de ses défenseur-ses. Ils y voient une référence graphique au nazisme, et s'en offusquent : le Monde comparerait Macron à Hitler.

© richardferrand

Bien sûr, la polémique fait oublier l'article de fond d'Ariane Chemin. Bien sûr, les mêmes qui voient du nazisme partout se scandalisaient il y a quelques semaines qu'on décrive l'arrestation massive de jeunes à Mantes-la-Jolie comme un décalque de pratiques fascistes.

Si chacun est libre de critiquer une couverture ou un article, cela devient problématique quand tout un ensemble de politiques au pouvoir coordonnent leurs efforts pour s'en prendre aux journalistes qui parlent de leur chef – alors même qu'ils et elles affirment défendre la liberté de la presse. Et puis, il y a un précédent : pour une Une consacrée à la politique migratoire de migrantEs, le directeur du Nouvel Observateur fut sanctionné, après des réactions coordonnées de même ordre. Ne nous y trompons pas : il s'agit clairement d'une campagne de pression contre les libertés de la presse.

Illustration 2

Dans cette campagne, Blandine Brocard se distingue en évitant la comparaison avec le nazisme. Elle rédige un dialogue entre son fils de 7 ans et elle :

«  Mon fils 7ans : - ''Maman, pourquoi on dirait qu’il y a la guerre en France ? C’est pas vrai. Et pourquoi on dirait que Macron il est très méchant? - C’est ce que les journalistes ont voulu faire croire. -Mais... un journaliste, il ´ doit pas justement dire la vérité ? - ... »

Illustration 3

Que ce dialogue soit authentique ou non importe au fond assez peu. Quelle que soit la réalité, la député expose son enfant de 7 ans, l'instrumentalise et met en scène son point de vue naïf, forcément naïf. La mère se sert de son fils comme outil liberticide contre le Monde, et les médias en général. L'adulte, supposée répondre aux questions de l'enfant, procède en effet à une généralisation (« c'est ce que les journaliste ont voulu faire croire ») qui vaut avertissement à l'ensemble des professionel-les de l'information.

© padre_pio

L'intention liberticide est par ailleurs évidente quand on se rappelle cette autre Une consacrée à Macron, qui aurait pu susciter la même réaction de l'enfant puisque Macron y a l'air méchant et que la France est présentée comme une arène où l'on doit combattre. La différence était que la couverture et le dossier étaient élogieux. A quoi tient le regard d'un enfant de parlementaire...

Illustration 5

L'instrumentalisation des enfants à des fins de censure n'a rien de nouveau. Elle est une constante des pouvoirs en place pour justifier l'interdiction de films, de livres, de campagnes de prévention du VIH ou d'éducation à la sexualité. Elle est une constante des groupes réactionnaires. Que l'on songe à la Manif pour tous, à ce cri paternel d'un de leur sympathisant « Que vais-je dire à ma fille de 8 ans ? » face à une campagne de prévention du VIH. Blandine Brocard suit une longue tradition, solide et efficace en matière de censure : rappelons que ladite campagne fut censurée dans plusieurs villes. Les enfants de 7 ou 8 ans ont bien du pouvoir, quand leur regard est dévoyé par des censeur-ses !

Illustration 6

Au moment où j'ai pris connaissance du tweet de la députée, je travaillais sur des rapports documentant la situation des mineur-es étrangErEs en France. Un rapport associatif prouve l'augmentation alarmante du nombre d'enfants enfermés depuis 2017, année de l'élection d'En Marche. Une responsable du dossier à France Terre d'Asile résume ainsi les chiffres terrifiants : « En 2017, le nombre d’enfants enfermés avec leur famille dans un centre de rétention administrative a augmenté de 70 % ! Soit 304 enfants. La moitié avait moins de 7 ans, un quart entre 6 et 12 ans. » Plus de 150 enfants de 7 ans ou moins ont été enfermé-es en 2017.

En avril dernier, lors du vote de la loi raciste Asile et Immigration, les députéEs en Marche ont refusé de voter l'interdiction de l'enfermement des mineurs. A En Marche, on aime ses enfants, mais pas ceux des autres. Le fils de Blandine Brocard sait-il que sa mère et le monsieur de la couverture contribuent à cette indignité?

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