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Billet de blog 17 octobre 2025

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Philippe Aghion, prix Nobel d’économie 2025 : les raisons d’une distinction majeure

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Illustration 1
© Philippe Aghion photographié par Patrick Imbert (Collège de France)

Un économiste au cœur de la modernité

Philippe Aghion, professeur au Collège de France et à l’INSEAD, est l’un des économistes français les plus influents de sa génération. Formé à l’École normale supérieure et à Harvard, il s’est imposé depuis les années 1990 comme l’un des principaux théoriciens de la croissance endogène, une approche qui place l’innovation au cœur du développement économique.

Ses travaux, menés avec Peter Howitt, ont permis de formaliser un mécanisme jusque-là surtout intuitif : la “destruction créatrice”, concept popularisé par l’économiste Joseph Schumpeter.

La destruction créatrice : un moteur de progrès

L’idée est simple, mais révolutionnaire : dans une économie dynamique, les nouvelles entreprises et technologies remplacent les anciennes.
Les innovateurs bouleversent les positions acquises, ce qui stimule la productivité et fait progresser l’ensemble de la société — au prix, parfois, de transitions douloureuses (disparition d’emplois, reconversions industrielles…).

Le modèle d’Aghion et Howitt a donné une base mathématique et empirique solide à ce processus, en expliquant comment :

  • la concurrence stimule l’innovation
  • les politiques publiques peuvent encourager la recherche sans étouffer le risque
  • et les institutions (éducation, marché du travail, financement) influencent la capacité d’un pays à innover.

Ce cadre théorique aide à comprendre pourquoi certains pays ou secteurs connaissent une croissance rapide, tandis que d’autres stagnent.

Une distinction très actuelle

Le choix du jury résonne particulièrement dans le contexte actuel.
À l’heure où l’intelligence artificielle, la transition écologique et les mutations industrielles transforment nos économies, les questions soulevées par Aghion sont cruciales :

  • Comment encourager l’innovation sans creuser les inégalités ?
  • Comment faire cohabiter croissance et durabilité ?
  • Quel rôle pour l’État dans la recherche et l’investissement technologique ?

Aghion plaide pour un capitalisme d’innovation régulé : un modèle où la concurrence et la créativité individuelle s’appuient sur des institutions fortes (éducation, protection sociale, fiscalité adaptée) afin de rendre le progrès inclusif et soutenable.

Une reconnaissance pour l’économie française

Philippe Aghion devient le troisième Français à recevoir le prix Nobel d’économie, après Maurice Allais (1988) et Jean Tirole (2014).
Son parcours illustre la vitalité de la recherche française dans un domaine souvent dominé par les Anglo-Saxons, et son influence s’étend bien au-delà du monde académique : ses travaux inspirent de nombreuses politiques économiques, en France comme à l’étranger.

Les limites de la taxe Zucman

Philippe Aghion, s’est montré réservé face au projet de taxe Zucman, qui propose d’imposer à 2 % les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. S’il partage l’objectif de justice fiscale, il en conteste l’efficacité et la faisabilité. Selon lui les recettes espérées de 20 milliards d’euros sont largement surestimées. Dans une tribune publiée dans Le Monde, il estime que le gain réel serait plutôt proche de 5 milliards, en raison des stratégies d’optimisation, d’exil fiscal ou de revalorisation d’actifs difficiles à taxer.

Spécialiste de la croissance par l’innovation, Aghion avertit que cette taxe pourrait freiner l’investissement et la prise de risque. Si elle s’applique aux parts d’entreprises, les entrepreneurs pourraient être contraints de vendre leurs actifs pour payer l’impôt, au détriment du financement de la recherche et des start-up.

Enfin, il souligne les complexités techniques et juridiques d’un tel impôt : évaluation des patrimoines non liquides, double imposition potentielle, et risque de contentieux constitutionnels.

Philippe Aghion ne rejette pas l’idée d’une contribution accrue des plus riches, mais plaide pour une réforme plus réaliste et compatible avec la dynamique d’innovation qu’il considère essentielle à la prospérité à long terme.

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