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Billet de blog 30 décembre 2022

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Pas d’emploi sous le sapin, une jeune diplômée à la précarité résistante !

J’aime savoir où je vais mais là je suis plongée dans l’incertitude de chaque lendemain. Après avoir rencontré de nombreuses difficultés dans mes études, j’aurais espéré une période un tant soit peu plus apaisée afin de me lancer dans la vie professionnelle. Non, la jeunesse n’est pas fainéante, elle est consciemment éclairée par ce que nous devons à nos aïeux.

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A cause de Parcoursup, j’ai été éloignée de ma famille, ce qui n’a pas arrangé mon quotidien. Je n’ai pas eu mon 1er choix, difficile de croire que c’est un algorithme qui a choisi ma vocation. Bien sûr certains cons m’ont proposé d’attendre 1 an. Si j’avais eu les moyens pécuniaires je l’aurais volontiers accepté. Un an de charge en plus pour mes parents, non merci. Je leur dois déjà assez. Dans cette galère étudiante, étant à plus de 500 km des miens, les billets de train ou d’avion sont trop élevés pour mon reste à vivre. Alors, je n’ai pas eu la chance de voir les miens depuis de longs mois. Skype ne remplace pas ces interactions familiales singulières.  Au début, il fut difficile de s’intégrer dans un groupe d’étudiants car on vient tous d’horizons différents.  Heureusement, avec le temps, on fait de belles rencontres dans ces facultés. D’ailleurs, l’une des seules choses gratuites dans cette vie étudiante si tumultueuse est de passer du temps entre amies afin de s’entraider. A l’écoute des autres, je comprends qu’il y a malheureusement pire que moi. Certains étudiants doivent aller aux Restos du Cœur pour pouvoir maintenir 3 repas par jour. Il y a quelques élèves boursiers mais surtout beaucoup d’étudiants non boursiers. Ils sont comme moi, ils ont la chance de de pouvoir s’asseoir les bancs de la fac grâce à de valeureux parents. Mes parents ayant trop de revenus pour que je sois boursière. Ces années d’études ont le gout de la privation pour mes parents. Quant à moi, je ne perçois qu’une maigre APL chaque mois en tant qu’aide financière.

Dans quelques jours, à la fin de mon cursus, je devrai leur annoncer qu’il n’y a pas d’emploi disponible dans mon secteur d’activité et que je dois accepter un job alimentaire. Encore un ! Non, je me le refuse. Ils ne comprendront pas. Comment expliquer à mes parents que j’ai passé 5 ans pour finalement, les servir dans un fast food. Comme me l’a toujours dit mon grand-père : « Ne te dévalorise jamais ». Point question de les décevoir. Ils m’ont laissé choisir ma voie. Déjà qu’il fut difficile de leurs expliquer qu’un algorithme avait choisi ma faculté. Mes parents ne parlent pas le binaire, eux qui m’ont toujours dit : « Ne fais pas comme nous, fais des études pour réussir dans la vie ».  Fraude morale. Après avoir gravi avec difficulté les échelons de l’université afin d’obtenir un diplôme, comment justifier à mes parents qu’en dépit de mes 14 de moyenne, il n’y a rien. Tu travailles bien et il n’y a rien à la clé. Si je dis cela à mes parents, ils vont faire une attaque. Ces bons petits Français qui ont envoyé leurs enfants dans les universités publiques pour les mettre sous le salaire moyen. Les autres amis de ma promo et moi devons commencer par la précarité sociale. Être plus pauvre que ses parents qui ont moins fait d’études. A la belle époque !

Par sympathie, nous avons eu des contacts avec les anciens étudiants des promos antérieurs. La plupart d’entre eux ont réussi à trouver un emploi dans le secteur souhaité. Néanmoins, cela n’a rien à voir avec la vie professionnelle annoncée. CDD à gogo, des salaires étant 150 euros supérieurs au SMIC, une précarité des contrats, des missions peu valorisantes. Certains parlent d’une insidieuse violence morale envers les débutants dans la plupart des entreprises. Les contrats qui se terminent sans aucune raison évoquée. Bref, nous passons du statut d’étudiant galérien à celui de galérien professionnel. Sortir de la vie étudiante demande une énergie considérable, surtout après 2 ans de COVID, et je crains les instabilités auxquelles je dois me confronter. L’instabilité de la jeunesse propulsée dans l’instabilité du monde de l’emploi ne peut-elle que produire une émulsion de décadence social ?

Derrière l’innocence de ma jeunesse se cache également un sens éthique. Cela fait 10 ans que l’on baigne dans cette crainte climatique. Dans ce contre-sens parfait, on nous a imprégné de ce déraisonnement productiviste depuis notre enfance.  Produire c’est détruire l’environnement pour ma génération. En revanche, personne ne nous a appris la posologie du Xanax en auto-gestion. Dans ce monde anxiogène, avec ces lobbies pharmaceutiques, nous devrions avoir tous accès à des cours de pharmacologie afin de mieux gérer notre quotidien. Cela engendrerait des économies pour la santé ! Oublions cette vision ironique, les « anciens » nous diraient : « De toute façon, les jeunes ne veulent pas travailler. De notre temps pour bouffer, il fallait y aller ! » Point de tergiversation, de réflexion sur la fonte des glaces en Alaska,… Alors allons-y , fonçons !!! Croquons la vie à pleines dents. Si la vie est à l’image de la pomme alors elle est de plus de plus infestée de pesticides. Baisse la tête, tu auras l’air d’un coureur ; restons bien au chaud dans le peloton de la société et produisons des Watts !

Après avoir accepté de modifier mon 1er choix d’étude, je dois me convaincre de choisir un emploi de 4e choix. Il n’y a pas de sous-emploi dans la vision du plein emploi de la Macronie. Si tu produis de la richesse, tu as gagné. C’est la « Win Française » du moment. Mais il y a un hic. La balance revenus-dépenses est la condition sine qua non de ma réflexion du moment. Je me dois de conserver en ligne de mire mon objectif premier, un emploi dans mon domaine de compétence. Déjà que je n’ai pas d’expérience, je ne peux pas me disperser avec des emplois précaires. Si je prends ce type d’emploi, il faut qu’il soit proche de chez moi. En effet, je n’ai pas de voiture et je me réserve donc le droit d’engager des frais de déménagement uniquement lorsque j'aurai trouvé dans ma voie. Pendant ces 5 années d’études, j'ai appris ce qu’est la vie de galère alors en préservant mon train de vie, je peux continuer à vivoter sur mes petites économies dûment gagnées pendant les saisons d’été. Mon mode de vie est « minimaliste », je continue chaque jour à étudier dans les bibliothèques pour me perfectionner, j’en profite pour recharger l’ordinateur et le téléphone. Je me connecte aux bornes Wifi public pour l’internet.  Je réchauffe mes plats dans les micro-ondes dans les restaurants universitaires.  L’eau est incluse dans mon loyer, l’objectif est de gérer l’électricité. La journée, je ne suis jamais à l’appart, et le soir je reste avec 2 pulls. Je pense à mes arrière-grands-parents qui n’avaient pas d’électricité à la ferme. Pour autant, ils ne sont pas morts de froid. A ce rythme, j’ai quasiment 1 an pour décrocher un emploi dans mon secteur sans rien dire à ma famille.

Je fais le choix de ne pas plonger mes parents dans la déception en cette période de fête. Réussir ses études ne garantit pas de trouver un emploi, c’est un mensonge sociétal ou plutôt une fausse vérité. Non, la jeunesse n’est pas fainéante, elle est consciemment éclairée par ce que nous devons à nos aïeux. Être une jeune pauvre, libre de ces choix plutôt qu’être asservie d’égal à égal à la précarité fraternelle.  

D’après les témoignages d’une brillante étudiante

Ana & M. Georges Bulvestre

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