Ne pas respecter la loi, c'est une chose. Ne pas vouloir l'admettre, c'en est une autre. Se permettre de donner des lecons de morale dans ces circonstances en est une troisième. Visiblement, Didier Migaud est un cumulard.
Reprenons. Ce député PS de l'Isère, maire de Seyssins, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale ne respecte pas la loi SRU, qui oblige les communes à présenter 20% de logements sociaux en 2020. Il ne respecte pas le calendrier légal qui doit lui permettre d'atteindre cet objectif. Il est donc "hors-la-loi" comme nous l'indiquions dans notre article paru le mardi 27 janvier, et tout comme 20 autres députés-maires en France.
Didier Migaud est le seul député PS dans ce cas, alors que son parti s'est battu depuis de nombreuses années pour faire respecter cette loi votée en 2000.
Deux jours avant la parution de l'article, nous lui avions envoyé, à l'Assemblée nationale, un mail avec les tableaux indiquant qu'il n'avait réalisé que 63% des objectifs fixés par la loi sur la période 2005-2007. Nous lui demandions de réagir. Il ne nous a pas répondu. Nous l'avons relancé par téléphone. Il ne nous a pas répondu. D'autres députés-maires l'ont fait: ils ont été cités dans l'article.
Didier Migaud a préféré réagir après parution de l'article. En appelant les journalistes pour s'expliquer? Non, en envoyant un coursier portant droit de réponse et adressé au directeur de la publication, Edwy Plenel. Dans cette note, il prétend que le chiffre que nous avançons est faux, et qu'en réalité, le taux de réalisation des objectifs est de 95% (ce qui, soit dit en passant, ne le ferait pas plus respecter la loi; tout juste l'enfreindrait-il un peu moins). Dans cette lettre, Didier Migaud prétend que «cet effort a été validé par le préfet de l'Isère à l'automne 2008».
Au passage, le député et maire se permet de nous administrer une petite leçon de morale: «Des vérifications peuvent se révéler utiles... avant d'accuser et de déclarer hors-la-loi une personne».
Sauf que ce chiffre est officiel, d'abord estimé par les organismes HLM, vérifié par la DDE, recoupé par la préfecture, notamment auprès de la... mairie. Que pour plus de sécurité, nous l'avions transmis à Didier Migaud, qui, rappelons le une nouvelle fois, n'avait pas pris la peine de nous répondre.
Après réception du droit de réponse, nous rappelons donc la préfecture. Mais celle-ci nous confirme le chiffre de 63%. Jamais elle n'a «validé l'effort». La mairie de Seyssins nous rappelle toutefois encore une fois: «Oui la préfecture a dit 63% mais ils viennent de reconnaître qu'ils se sont trompés. Ils vont vous rappeler... »
Seul souci: l'adjoint au maire, se trahit en reconnaissant que les logements, pour des raisons d'alimentation en eau, n'ont été inaugurés qu'en mars 2008. Puis s'apercevant peut-être de sa bourde, il tente de se rattraper: «Certaines personnes se sont installées dans leur logement dès décembre. Simplement, après, il y a plein de choses à installer, les volets, différents trucs...»
La mairie n'est pas pour autant prête à entrer dans «les détails», à fournir les baux indiquant la date d'entrée dans les lieux des locataires. Il faut donc croire l'adjoint sur parole quand il dit que des gens se sont installés sur place dès décembre, parfois sans volets.
Malheureusement pour la mairie et pour Didier Migaud, quelques minutes plus tard, la préfecture rappelle. Mais une fois de plus, elle n'infirme pas du tout le chiffre de 63% que nous avions publié. Elle précise juste que, contrairement aux données officielles du ministère du logement, le préfet n'a «pas dressé de constat de carence», prévu pour augmenter les pénalités que doivent verser les maires qui ne respectent pas les obligations prévues par la loi SRU. Le constat de carence n'est parfois pas dressé, comme nous l'avions expliqué dans l'article, quand le préfet reconnaît des circonstances atténuantes aux maires, comme à Nice, à Toulon, et donc à Seyssins, au motif que des efforts avaient été faits sur la période triennale précédente...
De la même façon, le député-maire de Seyssins explique dans sa lettre que sa commune a fait des efforts pour le logement social. Certes. Mais pas en construisant: il s'agit donc d'une autre question. Car sinon, en suivant ce raisonnement, il faudrait considérer que Neuilly-sur-Seine respecte la loi. Pas sûr que ses amis socialistes suivent le président de la commission des finances sur ce chemin.
En clair: tant mieux pour Didier Migaud si sa pénalité n'a pas été doublée. Cela ne l'empêche pas de rester hors-la-loi. «Les mots ont un sens» ont insisté cent fois la mairie de Seyssins puis les collaborateurs de Didier Migaud à l'Assemblée nationale. Nous sommes pleinement d'accord. «Hors-la-loi»? Se dit de quelqu'un qui ne respecte pas ses obligations légales. Au vu de l'épisode, des propos attribués à la préfecture et du mode de réponse choisi, on aurait même pu ajouter «déloyal».