Le soir du 23 avril 2017 a été riche en surprises, parfois plus ou moins attendues. Au centre de l'attention de tous se trouvent rapidement l'excellent score de la France Insoumise et l'allocution de Jean-Luc Mélanchon, le candidat du mouvement: certains commentateurs s'étonnent qu'il n'enjoigne pas ses électeurs à voter pour Emmanuel Macron lors du deuxième tour. Depuis, on a beaucoup discuté sur l'opportunité, la légitimité ou même la politesse de ces commentaires, je pense par exemple à la tribune d'Olivier Tonneau “Face au Front National: Réponse aux pompiers pyromanes qui ont voté Macron” ou à l'allocution conjointe de Manuel Bompard, Alexis Corbière et Charlotte Girard du 28 avril 2017 pour citer deux contributions concrètes abordant, parfois occasionellement, cette question. Je pense aussi aux divers textes ou commentaires qui abondent sur les réseaux sociaux ou le club de Mediapart: qui scande “ni banquier ni facho,” qui souhaite que Macron gagne mais sans grande légitimité. Ces contributions sont diverses par leur nature, leur forme et leur intention mais ont ceci de comment qu'elles n'abordent pas pour lui-même le choix qui nous sera soumis le 7 mai 2017.
Le 7 mai 2017 nous devrons départager les deux candidats à la présidence de la république qui ont été choisis à l'issue du permier tour: Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Nous pouvons soit exprimer notre préférence pour un des deux candidats soit exprimer notre indifférence en votant blanc, nul, ou ne votant pas, ce qui revient à dire “Je suis d'accord pour que Marine Le Pen soit présidente. Je suis d'accord pour qu'Emmanuel Macron soit président.” Le vote est anonyme et les raisons qui le motivent ne le suivent pas dans l'urne. Il n'y a alors plus de vote “pour Marine Le Pen parceque je veux envoyer un signal à la majorité sortante” mais seulement un vote “pour Marine Le Pen”. Il n'y a plus non plus de vote “pour Emmanuel Macron pour faire barrage au FN” mais seulement un vote “pour Emmanuel Macron”. De même il n'y a plus de vote “blanc parce Myriam El Komri n'a pas à me dire pour qui voter” mais seulement un vote “blanc”.
C'est fort des millions de bulletins portant le nom du candidat qui aura reçu la préférence du plus grand nombre que le conseil constitutionnel proclamera les résultats quelques jours plus tard et la légitimité du candidat ayant remporté la majorité des suffrage sera entière. Qu'on se souvienne de l'élection de François Hollande en 2012 à 51,64% devançant Nicolas Sarkozy d'un gros million de voix ou de celle de Nicolas Sarkozy en 2007 à 53,06% devançant cette fois Ségolène Royal de deux millions de voix. S'est-on par la suite apesanti sur la légitimité petite ou grande du président élu? A-t-on cinq ans durant brandi le résultat précis de l'élection pour appuyer la légitimité de telle mesure contestée ou au contraire plaider contre une proposition trop audacieuse? Pas le moins du monde. Bien élu ou mal élu, le nouveau président et son programme tirent une légitimité pleine et entière de leur succès au second tour de l'élection présidentielle, et si certains commentateurs estiment petite ou grande cette légitimité, s'ils spéculent sur l'alchimie vaporeuse des reports de vote, c'est avant tout pour meubler l'attente de la formation du gouvernement.
Comme à chaque élection, les raisons qui président au choix de chaque électeur ne resteront pas attachées au bulletin et encore moins au nouveau président. Ces raisons survivront au vote et pourront guider d'autres actions, inspirer des revendications et des luttes politiques, mais le 7 mai, le nouveau président sera légitime et seul le futur importera.
Le 7 mai, le nouveau président sera soit Marine Le Pen, soit Emmanuel Macron. Que chacun vote selon sa préférence.