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Billet de blog 5 juillet 2009

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AF 447: compléments à méditer

L’homme ou le système: où est le maillon faible?Une petite réflexion sur la complexité des interactions pilote – système et sur les différentes philosophies mises en œuvre.

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L’homme ou le système: où est le maillon faible?

Une petite réflexion sur la complexité des interactions pilote – système et sur les différentes philosophies mises en œuvre.

Quelques nouvelles complémentaires :

Sur le crash du vol AF 447 :

· Le BEA à publié le 02/07/2009 un premier rapport d’étape factuel

· Les autorités Brésiliennes annoncent avoir identifié 43 des 51 corps récupérés (05/07/2009).

Sur le crash du vol IY 626

· Le gouvernement français a confirmé que l’Airbus A310 de la compagnie Yemenia n’était pas interdit de vol en France (03/07/2009). Pourquoi donc Mr Bussereau, secrétaire d’état au transport nous a t-il dit le contraire pendant plusieurs jours avec l’emballement médiatique que l’on sait.

· Le BEA confirme que le signal des deux balises acoustiques des boites noires a été repéré (05/07/2009)

Retour sur les systèmes d’Airbus qui font polémique auprès de certains pilotes :

La position des manettes de commande de poussée des gaz (l’accélérateur !) ne représente pas la commande effectivement appliquée. Cela peut être particulièrement trompeur pour un pilote suite à un désengagement de la commande automatique de poussée (comme l’a connu le vol AF 447). La dernière consigne de la commande automatique reste alors en vigueur et ce indépendamment de la position de la manette d’accélération !

Cette conception n’est présente que sur les systèmes d’Airbus et ce depuis l’A320. Ce n’est pas le cas chez Boeing ! La consigne que doit suivre le pilote est claire mais dans un environnement délicat avec une charge de travail élevé, cela peut être trompeur.

C’est dans la chaine des évènements du crash d’un Airbus A320 de la TAM, à Sao Paulo le 17 Juillet 2007 (199 morts au total). Une des commandes de poussée (il y en a une pour chaque moteur) n’étant pas strictement au point mort, la réverse (freinage par inversion du flux) sur ce réacteur ne s’est pas déclenchée et l’avion a été déséquilibré vers la gauche, est sorti de la piste qui de plus était sous une pluie battante, … Il semble qu’il y ait un désaccord larvé entre le BEA, Airbus et les autorités brésiliennes sur cet accident. Voici, le communiqué d’Airbus suite à l’accident :

"Sur la base de la première analyse du DFDR [enregistreur de paramètres], et en accord avec les autorités brésiliennes d'investigation, Airbus rappelle à tous les opérateurs de se conformer strictement à la procédure suivante : pendant l'arrondi, à la réduction de puissance, TOUS les leviers de puissance doivent être dans le cran ralenti". Dit d’une autre manière, c’est la faute du pilote.

Cela explique peut être qu’il y ait de l’eau dans le gaz entre le BEA et les autorités brésilienne concernant cette accident.

Autre thème à polémique : Chez Airbus, les commandes de vol électrique ont préséance sur les ordres du pilote même lorsque l’on est en pilotage manuel. En clair, le calculateur a raison sur le pilote. Chez Boeing, c’est exactement l’inverse : le pilote peut imposer sa préséance sur calculateurs des commandes de vol.

Or des incidents récents (2008) sur des Airbus A330 de la compagnie australienne Quantas montre qu’il y a des trous dans le système des calculateurs de commande de vol. Le rapport intermédiaire du bureau d’enquête australien (ATSB) est disponible ici. Je vous conseille de le lire mais puisqu’il est en anglais, voici un bref résumé de l’accident.

A 12h40, en vol de croisière à 37000 pieds, l’autopilote se désengage et l’équipage passe en pilotage manuel. Comme il y a divers messages d’erreurs, l’équipage cherche à comprendre ce qui se passe quand brutalement, 12h42 l’avion pique du nez (sans action du pilote). Le pilote n’arrive pas à redresser l’avion (il tire sur le manche) puis finalement, l’avion se stabilise 650 pieds plus bas (200 tonnes qui dégringolent de 200 mètres !). L’équipage remonte doucement à 37000 pieds. A 12h45, cela recommence mais en moins violent, seulement 400 pieds de chute ! A 12h49, l’équipage émet un Pan Pan puis 5 minutes après, un Mayday (SOS). L’avion se déroute d’urgence vers l’aéroport le plus proche où il se pose sans encombre.

Les passagers on subit une accélération vers le haut de 0,8 g ce qui les a violemment envoyé dans les plafonds suivit d’une accélération vers le bas de 1,56 g (56% de plus que la normale) qui n’a rendu le retour vers le plancher que plus brutal. Sur 315 personnes, il y a 115 blessés dont 12 gravement (colonne vertébrale, cervicales, …).

La cause : L’ADIRU1 qui collecte des informations anémométriques (vitesse grâce au Pitot, angle d’attaque ou AOA, …) est devenue folle et a envoyé des informations erronées et aléatoires aux calculateurs des commandes de vol électriques. Les filtres de sécurité des calculateurs des commandes de vol ont presque tout éliminé, mais une petite faille leur a fait prendre en compte certaines d’entre elles d’où les deux plongeons. Comme les calculateurs ont autorité sur le pilote, celui-ci n’a rien pu faire bien que les enregistreurs montrent qu’il a réagit en moins d’une seconde !

Tout cela est à priori sans rapport avec ce que l’on sait sur la catastrophe de l’AF447 mais quand même on devine qu’il y a des philosophies homme/système différentes selon l’avionneur.

Airbus a révolutionné beaucoup de chose avec l’A320 en 1988. L’introduction massive de ces aspects précurseurs (des ébauches existaient sur des avions antérieurs ou militaires) s’est révélée payante car le modèle économique offert par cet avion aux compagnies aérienne s’est révélé extrêmement rentable et novateur :

· Commandes de vol électriques : permet une gestion optimale et sécurisée (quand tout marche) des aspects locaux et court terme du vol.

· Electronique de gestion du vol avancée : se couple avec les commandes de vol électrique et permet une optimisation globale

· Informatisation généralisée, écrans larges, modernes et interactifs (au lieu des multiples cadrans et boutons) qui a justifié la suppression du troisième navigant, l’ingénieur/radio.

· Etc.

Cela explique grandement le succès commercial d’Airbus.

Mais cela a suscité une certaine réticence chez une partie des pilotes d’Air France (la compagnie d’introduction) qui considéraient que leur rôle était dévalorisé. Cette réticence/amertume a été amplifiée par l’impression (justifiée ou non) de collusion/langue de bois d’Airbus/Air France/DGAC et BEA dans la gestion des accidents graves impliquant Airbus : A lire sur le sujet .

Cela explique l’amertume et la méfiance toujours perceptible chez les associations de pilotes, leur syndicats et sur leurs sites internet (eurocockpit, radiococo, …).

Cependant, tous les constructeurs d’avion s’y sont mis plus où moins vite et l’on retrouve partout sur tous les avions modernes, les mêmes systèmes mais avec des variantes sur la philosophie de la relation homme-système.

J’ai déjà évoqué les différences d’approche autour de gestion de la manette des gaz, autour des commandes de vol électrique : qui décide, l’homme ou le calculateur ? …

Une dernière illustration concernant plutôt l’ergonomie. Regardez un cockpit d’Airbus A330 et un cockpit de Boeing B777, deux avions de la même génération équipés de systèmes similaires.

Sur le Boeing, l’on retrouve le manche traditionnel qui est remplacé par un petit joystick sur l’Airbus.

Ces différences se retrouvent sur les avions les plus modernes A380, B787, …

J’ai montré à titre d’exemple des accidents Airbus.

On a les mêmes chez Boeing, où s’il y avait eu suprématie des commandes de vol électrique sur le pilote, celui-ci n’aurait probablement pas pu faire exécuter les commandes excessives qui ont entrainé la perte de l’avion.

En fait, coté sécurité, il est très difficile de faire un jugement entre les deux concepts, les statistiques étant très voisines.

A méditer.

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