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Billet de blog 14 février 2011

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Paroles d'espoir

J'ai vécu lundi dernier un grand moment de fraternité en action, de conscience politique et d'expression puissamment poétique (à travers Hölderlin, Antonio Machado ou Edouard Glissant souvent cités). C'était au Théâtre de la Colline à Paris pour le meeting Mediapart en soutien et symbiose avec les peuples de Tunisie et d'Egypte en lutte pour la délivrance.

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J'ai vécu lundi dernier un grand moment de fraternité en action, de conscience politique et d'expression puissamment poétique (à travers Hölderlin, Antonio Machado ou Edouard Glissant souvent cités). C'était au Théâtre de la Colline à Paris pour le meeting Mediapart en soutien et symbiose avec les peuples de Tunisie et d'Egypte en lutte pour la délivrance. C'est ainsi que le mot si galvaudé de démocratie retrouve soudain tout son sens, lavé des outrages que lui ont fait subir tyrans, despotes, roitelets, dirigeants sans conscience et ministres sans honneur. Un grand souffle passait, celui de l'Histoire majuscule, vibrant dans la voix des intervenants réunis pour la circonstance autour de Stéphane Hessel, l'homme à tête d'homme du poème de Prévert. Celui qui a su donner tout à point une voix à l'indignation insurgée. « S'indigner, résister, créer » proclamait la banderole. Des verbes qui résonnent fièrement et dont nous pourrions dire qu'ils nous accompagnent depuis toujours.

Il y avait dans l'air, ce soir-là, comme une promesse de bonheur, « le bonheur idée neuve », selon Saint-Just. Envolés d'un coup l'indifférence –« la pire des attitudes » selon Hessel, le déprimisme ambiant et le cynisme des oligarques qui nous gouvernent, nous décervèlent, nous rançonnent et nous désespèrent. Si l'onde de choc de la révolution en marche dans les pays arabes affole notre intelligentsia timorée qui agite le chiffon rouge de l'islamisme, la vigilance doit rester de mise. Rien n'est encore acquis, tous les orateurs l'ont rappelé, et la route est longue et périlleuse qui mène à la démocratisation de sociétés si longtemps martyrisées par les hommes providentiels et autres monarques éclairés, de plus en plus monarques, de moins en moins éclairés. Les institutions de la dictature et nombre de ses séides sont encore en place, malgré le surgissement du peuple sur la scène (et dans le vocabulaire).

Il n'empêche que la révolution est dans les têtes et dans les cœurs, dès lors que les citoyens n'ont plus peur. De retour dans son pays, le militant tunisien des droits de l'homme Moncef Marzouki en a observé les premiers signes sur place. Ce qu'Edgar Morin –comme à leur tour la comédienne et réalisatrice libanaise Darina Al-Joundi ou Mahmoud Hussein (pseudo de deux ardents essayistes égyptiens)– s'est plu à désigner comme « un grand moment d'émancipation où se révèle dans la diversité l'unité des aspirations humaines ». Ou ce que le Palestinien Elias Sanbar a salué comme la fin du malheur arabe. « Nous étions dans la désespérance, consternés d'en être arrivé là. Nous n'avions pourtant pas perdu la dignité, c'est même la seule chose qui nous restait... » Et Sanbar d'évoquer pour finir la lettre dans laquelle Courbet écrit à ses parents que sous la Commune de Paris les Parisiens étaient devenus plus beaux. « Aujourd'hui, les Arabes portent cette beauté », concluait-il sous les vivats.

Une voie est ouverte. Le pari est immense. Que « dégagent » les ennemis de la liberté ! Leurs cadavres puent.
Paru dans la « Charente Libre » du 12 février.

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