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Billet de blog 26 juillet 2018

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LA LOI TRAVAIL A L'ELYSEE

Dans cette "affaire Benalla, "on peut légitimement à la lumière des auditions des 2 chambres de nos représentants s’interroger sur l’exercice du pouvoir dans nos institutions, mais ce qui m’intéresse plus particulièrement, certes comme symptôme, c'est le droit du travail à l'Elysée et son exercice , et ce d'autant que le thème est cher à notre président.

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LA LOI TRAVAIL A L'ELYSEE

Je ne regarde jamais les feuilletons diffusés à la TV, ou plus précisément je ne les regardais jamais.

Depuis peu je suis assidûment le feuilleton de « l’affaire Benalla » et particulièrement les auditions des commissions des lois réunis en commissions d’enquête.

Concernant celle de l’Assemblée Nationale il n’est pas utile d’en constater plus que ce qu’elle illustre dans son fonctionnement, c’est à dire une probable confusion sinon collusion des pouvoirs.

A ce niveau il s’agit bien de la séparation des pouvoirs exécutifs et législatifs, autrement dit plus clairement , de l’indépendance des députés LREM, députés godillots ?

Concernant la commission du sénat, il est vrai que la majorité y est différente mais elle est aussi d’une autre tenue et d’une autre pertinence dans ses auditions.

Alors on pourrait, à la lumière de ces auditions, s’interroger sur l’exercice du pouvoir de notre président comme le font nos élus, pouvoir qualifié de Jupitérien et mesurer les avatars d’une toute puissance supposée que le Président confirmerait lorsque s’adressant à ses troupes il avance très maladroitement : «  Qu’ils viennent me chercher ! »

Puéril a t’on entendu.

Certes et de nombreuses études plus ou moins étayées et sérieuses nous alertent sur les structures psychiques de « ceux qui nous gouvernent » sur leur organisation narcissique et leur rapport à la jouissance qu’emporte, importe et exporte l’exercice du pouvoir.

Le discours du Maître s’il suppose une servitude a pour principal effet de produire de la jouissance et la jouissance on sait comment ça commence, par la « chatouille » disait Lacan, mais on ne sait pas comment ça peut finir.

C’est pas sur ce terrain là que le feuilleton m’importe même si quelqu’un qui ne dort que 3 h par nuit, à priori, m’inquiète, ne serait ce que parce que la nuit ne peut lui porter grand conseil !

Ce qui m’intéresse, certes comme symptôme, est le droit du travail, thème cher à notre président depuis les lois El Komry et tout récemment les 5 ordonnances de reforme du droit du travail et les 36 mesures annoncées.

J’ai été représentant de l’employeur en tant que directeur ou directeur général dans des associations ou entreprises gérant des établissements médico sociaux et j’ai procédé à des recrutements, des sanctions, des licenciements.

J’ai des procédures une expérience ancienne, mais quelques souvenirs.

Monsieur Benalla a donc été recruté, sanctionné et licencié sous le régime de droit privé.

Son contrat de travail précisait donc comme la loi l’exige encore certaines mentions obligatoires dans un contrat de travail temporaire (ce qui me semble être le cas) : les coordonnées de l’employeur, les coordonnées du salarié, la date de début d’exécution du contrat,le poste occupé, sa nature,le lieu d’exécution , son détail (fixe, variable, commissions...) et son mode de calcul, la durée des congés, les coordonnées de l’organisme de sécurité sociale auprès duquel cotise l’employeur, les coordonnées de la caisse de retraite complémentaire, la convention collective applicable lorsque l’entreprise relève d’une convention collective...

La première interrogation est qui est l’employeur de droit privé et dans la mesure ou cette information est obligatoire quel est sont statut ( privé, public, indépendant, entreprise…) que précise son no siren.

Nous savons que c’est le directeur de cabinet de la Présidence qui a signé le contrat et signifié les sanctions.

Il est ou représente l’employeur.

S’il l’est ce qui est peu probable, à quel titre, s’il le représente quel est il ?

Ce ne peut être la Présidence puisque nous avons appris du Secrétaire Général de l’Elysé qu’ elle n’avait pas de statut juridique.

La deuxième interrogation concerne la procédure disciplinaire.

Pour la grande majorité des cas, les contrats de droit privé, s’inscrivent dans l’application d’une convention collective qui définit généralement, entre autres éléments du contrat, la procédure disciplinaire et au-delà de 20 salariés, (l’ entreprise Présidence de la République en compte donc plus de 800) , un règlement intérieur rédigé par l’employeur et transmis à l’ Inspection du Travail doit préciser, entre autre, ces procédures disciplinaires.

Mr Benalla a donc été reçu par son employeur ou représentant qui a donc du caractériser une faute et lui a notifié une sanction . Il importerait donc de connaître la caractérisation de la faute qui doit être notifiée par écrit.

S’agit il d’une faute simple, grave ou lourde qui sont les 3 seules caractéristiques de la sanction si on se réfère au droit du travail (les dispositions conventionnelles (?) si elles s’appliquent doivent être plus favorable au salarié, à défaut d’accord d’entreprise (?) postérieur aux ordonnances de la réforme de la loi travail).

On considérera le droit du travail dans la mesure ou par défaut d’autres dispositions, il s’applique dans un contrat de droit privé.

La sanction est une mise à pied (conservatoire?) de 15j avec suspension de salaire et une modification de la fiche de poste.

Il s’agit bien, il faut le supposer, de modification de la fiche de poste car si cette disposition modifie la nature de la fonction stipulée sur le contrat il s’agit d’une modification substantielle du contrat de travail et cette modification peut être refusée par le salarié .

L’employeur doit mettre en œuvre une procédure de licenciement individuelle mais qui n’est pas disciplinaire mais pour motif économique.

Une faute grave ou lourde nécessite une mise à pied conservatoire, le caractère grave de la faute

empêchant la poursuite du contrat de travail.

A contrario si une mise à pied conservatoire n’est pas notifiée les juridictions requalifient le plus souvent la faute grave en faute simple puisque le qualificatif de grave implique l’impossibilité de la poursuite de l’exécution du contrat.

La mise à pied conservatoire qui doit être immédiate dès que l’employeur a connaissance de la faute permet à l’employeur de mettre en place une procédure de licenciement qu’il a l’obligation d’ évoquer dans la notification de convocation préalable. Cet écrit très réglementé ainsi que toute la procédure est une « convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement » et précise entre autre que le salarié peut se faire accompagner par un représentant du personnel.

Qu’en est il des Instances Représentative du Personnel (IRP) dans l’entreprise Présidence ?

Existe t’il un CSE, un CHSCT, des DP, des DS….

Serait ce bien raisonnable ?

Ces dispositions sont elles adaptées à la « Présidence » ?

Le droit du travail s’y applique t’il ?

Revenons à la procédure disciplinaire .

Ce sont des procédures standardisées que tout employeur connaît et maîtrise.

Suite à un délai réglementaire l’employeur doit notifier une sanction et en tout cas dans le cadre d’une mise à pied conservatoire avant le terme de celle ci.

Soit il s’est trompé et s’excuse de la mise à pied avec suspension de la rémunération qui s’avérerait inappropriée ! On efface tout, ce qui suppose une erreur d’appréciation gravissime.

Soit il réunit les pièces justifiant une notification de licenciement pour faute grave ou lourde.

S’il ne notifie pas une mesure de licenciement suite à la mise à pied, c’est qu’il considère qu’il s’agit au pire d’une faute simple, et dans ce cas la suspension de traitement est inappropriée.

Manifestement dans le cas de Mr Benalla qui a donc été maintenu dans ses fonctions contractuelles il ne peut s’agir que d’une faute simple et ce d’autant que son « employeur » lui aurait précisé que ...à la prochaine !

Dans de nombreuses conventions collectives, l’employeur ne peut licencier ( il s’agit bien sur exclusivement de licenciement disciplinaire) qu’après au moins 2 fautes simples.

Soit Mr Benalla a commis une faute grave et suite à sa mise à pied une notification de licenciement aurait du lui être adressée

Soit Mr Benalla a commis une faute simple et la suspension de traitement aurait du être aussi suspendu, ce qui a manifestement été le cas mais pour d’autres raisons (impraticables) avancées par la Présidence, raisons que je qualifie d’impraticables car la retenue sur salaire aurait constitué un élément déterminant pour le qualificatif de faute grave et aurait rendu encore plus difficile administrativement le maintien de Mr Benalla sur ses missions auprès de la Présidence.

Mr Benalla a commis une faute grave justifiant une mise à pied et une suspension de rémunération, mais son employeur ne souhaite probablement pas le licencier.

Il est probable que l’on soit dans ce cas de figure impraticable, ce qui semble être corroboré par le Secrétaire Général qui explique que malgré la sanction de ces actes qualifiés d’inacceptables, inadmissibles, répréhensibles etc... la Présidence a besoin de lui pour poursuivre les missions de la « Chefferie » du cabinet !

Vient ensuite une 2ème sanction concernant une 2ème faute caractérisée par la demande auprès de fonctionnaires de police de lui fournir la ou les video de son intervention policière justifiée par la nécessité de venir au secours des fonctionnaires de police ou de gendarmerie !

Le directeur de cabinet l’avait prévenu : à la prochaine…

Donc notification de licenciement.

Il faut souhaiter pour y voir un peu plus clair dans ce que le symptôme « droit du travail » nous incite à penser sur l’exercice du pouvoir à la Présidence, que Mr Benalla contestera son licenciement et saisira le conseil des prud’hommes qui aura a clarifier la relation contractuelle et les procédures disciplinaires.

C’est peu probable s’il souhaite préserver son « employabilité », mais sait on jamais !

On a beaucoup parlé dans le cas des ordonnances de démantèlement du droit de travail notamment de l’inversion des normes privilégiant le contrat de « gré à gré » de l’entreprise cad l’accord d’entreprise sur l’accord de branche.

Il semblerait que l’entreprise Présidence ait déjà expérimenté plus avant la pratique de la libéralisation du droit du travail.

Il aurait été alors plus pertinent, dans cette logique de transformation et modernisation du marché du travail et dans un soucis de productivité ( objectif affiché par le directeur de cabinet et le Secrétaire Général) de suggérer à Mr Benalla le statut d’auto entrepreneur qui semble plus adapté a la fonction et aux missions qui semble avoir été les siennes.

Voilà une suggestion ds le cadre de la modernisation de l’entreprise Présidence et de l’amélioration de sa productivité !

Ubérisons la Présidence !

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