Il y a plusieurs raisons à cela:
1- La toute récente re-radicalisation du discours de Trump à son retour du Mexique (il n'en est plus à un zig-zag près) montre que, comme Sarkozy, il a compris qu'en ces temps de mondialisation malheureuse, la démagogie xénophobe restait une bonne recette pour mobiliser à droite ; comme Sarkozy, Trump fait le pari de s'appuyer sur la radicalisation des fractions paupérisées et vieillissantes de l'électorat blanc ;
2- Les casseroles que traînent les Clintons (donateurs étrangers finançant leur fondation, "emailgate", conférences grassement rémunérées par les super-riches du 1%, image d'une secrétaire d'État interventionniste alors que le zeitgeist est devenu très isolationniste) vont continuer de tintinnabuler dans le sillage d'Hillary pendant les deux mois de campagne qui restent ;
3- les deux candidats marginaux vont nuire aux deux candidats principaux, mais de façon asymétrique: la candidate écolo ne piquera des voix qu'à Clinton (et peut ainsi aider à faire élire Trump, tout comme Ralph Nader avait permis l'élection de George W Bush contre Al Gore en obtenant quelques petits milliers de voix en Floride, ou Taubira le ballottage Le Pen-Chirac au détriment de Jospin) alors que le libertarien Gary Johnson prendra certes quelques voix à Trump mais surtout offrira aux républicains anti-Trump une alternative leur évitant de se résoudre à voter pour Clinton, qu'ils détestent cordialement ;
4- contrairement au discours médiatique dominant, les sondages demeurent très serrés: d'après le site d'analyse statistique de Nate Silver Fivethirtyeight.com, ils donnent en moyenne 48% pour Clinton contre 43% pour Trump (et 7 à 8 % pour le libertarien, le reste se répartissant entre les autres candidats marginaux). Or la marge d'erreur de la plupart des sondages est assez élevée (tailles d'échantillon inférieures à 1000). Nate Silver rappelle que lors des élections présidentielles précédentes, même les sondages réalisés juste avant les élections se trompaient en moyenne de 3,6%: autrement dit, Clinton à 44,5 % et Trump à 46,5 % reste statistiquement un résultat envisageable (et d'ailleurs Fivethirtyeight estime actuellement à 28% la probabilité que Trump gagne, ce qui est loin d'être négligeable) ;
5- Dans les États marginaux (les fameux "swing states" qui décident du sort de l'élection), l'avance de Clinton reste minime.
Bref, s'imaginer que l'élection est d'ores et déjà jouée est une pure illusion médiatique produite par la couverture très critique envers Trump de quelques grands médias de la Côte Est liés à l'establishment washingtonien (New York Times, Washington Post, CNN...) et dont le rayonnement mondial donne le la dans les principaux médias "libéraux" européens et en particulier français (Le Monde, Le Figaro, Libération...) qui partagent les mêmes préjugés idéologiques tout en refusant de regarder en face certaines réalités américaines.
Par exemple, lorsque Trump dénonce une Amérique en voie de tiers-mondisation du fait de la vétusté et du sous-développement de ses infrastructures, il tape juste. En mai dernier, lors d'un bref séjour à New York où je n'étais pas allé depuis 25 ans, j'ai été frappé par l'état dégradé des infrastructures routières et ferroviaires (routes défoncées, ponts tout rouillés, tunnels croulants...) et du retard technologique du métro, qui utilise encore de vieilles cartes à piste magnétique, alors que les métros et bus de Buenos Aires, par exemple, utilisent depuis plusieurs années avec la carte SUBE le même genre de technologie sans contact que notre carte Navigo parisienne.