Je ne partage ni les imprécations des va-t-en-guerre médiatiques en pantoufles qui sévissent dans les médias occidentaux, ni les éructations des poutinophiles acharnés, ni les indignations des souverainistes déçus.
En prenant le temps de regarder au-delà des "éléments de langage" brandis ici où là, et de considérer les décisions réellement prises, que voit-on ?
1°) La France a décidé de conditionner la livraison des porte-hélicoptères Mistral à un apaisement en Ukraine: il n'y a là rien qui me choque, à moins de considérer que la Russie ne joue aucun rôle dans la crise ukrainienne, ce qui n'est pas le cas. De plus, il s'agit d'une suspension et non pas d'une résilation du contrat. La livraison étant prévue en novembre, il reste du temps pour la mise en place d'un cessez-le-feu effectif. D'autant plus qu'en novembre il commence à faire frisquet à l'est et que des coupures de gaz n'y seraient pas bienvenues... En cas d'incertitude subsistant à l'échéance contractuelle sur le degré d'apaisement réellement atteint, on pourra éventuellement discuter d'aménagements avec les Russes du non-déploiement de ces navires en Mer Noire, par exemple. Cela dit, se draper dans la pourpre souverainiste et accuser de tous les maux la présidence actuelle qui gère comme elle peut (et elle peut peu, faute aussi d'une vraie vision géopolitique, parce que c'est le genre de chose qui s'acquiert en lisant et en méditant des vrais livres d'histoire, pas en ingurgitant les bouillies pré-mâchées que "Sciences Po" concocte pour les futurs énarques) l'héritage catastrophique de Sarkozy ET Fillon (n'oublions pas ce faux-cul politicien et "principal collaborateur" comme disait l'autre) en matière de politique étrangère qu'il s'agisse de la relation à l'OTAN, à la Russie, à la Libye, à l'Iran, à la Centrafrique etc. serait exagéré.
2°) Le Président américain a exclu une adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, évitant sagement de créer un casus belli avec Poutine. Cependant la décision d'autoriser des assistances bilatérales à l'Ukraine par des états membres peut mener à des dérapages de la part de certains pays membres (en particulier la Pologne) et surtout à une inutile prolongation du conflit: il est tactiquement essentiel de ne pas donner de faux espoirs à Yatseniouk et Porochenko si l'on veut qu'ils acceptent de négocier avec leurs opposants armés (cf. mon billet précédent sur les recommandations décapantes des anciens de la NSA et de la CIA; j'ai écouté attentivement un autre ancien de la CIA hier soir à la BBC, qui disait en gros les mêmes choses très raisonnables à ce sujet et rappelait certains faits qu'il est de bon ton aujourd'hui d'oublier: l'implication de commandos de provocateurs extrémistes dans les fusillades de Maïdan, le rôle très néfaste de V. Nuland...)
3°) Le conseil de l'OTAN a eu un sursaut de lucidité géopolitique en excluant l'installation de bases permanentes de l'OTAN dans les nouveaux pays membres de l'Europe de l'est tout en réaffirmant la volonté collective de les assister dans la protection de leur intégrité territoriale, ce qui est simplement un énoncé rituel du service minimum de la solidarité otanesque.
Donc, au-delà de l'écume médiatique qui s'est formée autour du conflit ukrainien, rien ne menace encore réellement la paix en Europe.
Il faudra simplement qu'Obama veille à ne pas laisser les plus dangereux excités de la bande (les russophobes Polonais et Lettons associés aux groupes de pression internes à l'administration américaine qui sont eux au service des multinationales pétrolières et du complexe militaro-industriel: en gros ce que l'on appelle là-bas le "Deep State") prendre en otage la politique extérieure de l'Union Européenne et de l'OTAN.