Le 16 juillet dernier, la Cour Permanente d'Arbitrage (CPA) de La Haye a rendu, sur plainte des Philippines, un verdict sans appel qui réfutait toutes les prétentions de la République Populaire de Chine d'occuper des îlots des Spratleys (NB: l'orthographe anglaise est Spratlys), dans le sud de la mer de Chine, entre le Vietnam et les Philippines, au nom de ses prétendus droits historiques, jugés comme prévisible sans aucun fondement par la CPA. Les Spratleys ne sont que quelques îlots minuscules, mais la zone maritime correspondante fait 400 000 km2.
La Chine (pourtant signataire de la Convention établissant ce mécanisme d'arbitrage) a aussitôt annoncé qu'elle ne respecterait pas cette décision et a poursuivi l'installation d'une base militaire sur l'île de Yongshu qui a été étendue artificiellement pour y construire une piste de 3000 m (pouvant donc accueillir de très gros porteurs militaires) ainsi qu'une base radar.
Les États-Unis (pourtant non signataire de la Convention établissant la CPA et qui refusent par principe toute validité juridique à ses arbitrages lorsqu'ils pourraient les concerner) se sont félicités du verdict de la CPA et ont annoncé leur intention de ne tenir aucun compte des prétentions chinoises à contrôler le trafic et les activités économiques (pêche, prospection gazière et pétrolière) dans cette zone maritime qui est aussi un axe stratégique pour les Chinois, car c'est par là que transite tout le pétrole du Golfe importé vers les grands ports chinois.
Depuis cet automne, les deux puissances s'observent et se provoquent en mer de Chine par flotte militaire interposée: les Américains ont envoyé des croiseurs militaires dans ces eaux que les Chinois considèrent comme territoriales alors que les Chinois ont tout récemment déployé leur unique porte-avion sur cette zone.
Entre temps, l'élection du démagogue fascisant Duterte à la présidence des Philippines a produit un revirement spectaculaire de la diplomatie de ce pays qui donne maintenant priorité à l'apaisement et au rapprochement avec Pékin et s'éloigne à proportion de son alliance traditionnelle avec les États-Unis (il faut rappeler au passage que les Philippines, longtemps une colonie espagnole, devinrent une colonie américaine de 1900 à 1945).
Dans ce contexte, les récentes tensions sino-américaines créées à l'initiative de Trump à propos du statut de Taïwan sont un trompe-l'oeil dans la mesure où la présence chinoise dans les Spratleys est organisée en parfaite harmonie entre le gouvernement de la RPC et celui de Taïwan (qui a son propre aérodrome militaire sur l'île de Taïping): les nationalistes taïwanais ont le même point de vue que les (post-)communistes continentaux à propos des "droits historiques" chinois sur les Spratleys.
Autant les chamailleries récentes à propos de Taïwan sont en réalité sans grande importance, autant le risque d'une confrontation militaire directe dans les mois et les années qui viennent entre Chinois et Américains autour des Spratleys est bien réel et ne doit pas être pris à la légère: il suffirait d'une provocation minime entre vaisseaux militaires chinois et américains, ou d'un grave accrochage en mer entre les Chinois et les autres alliés locaux des Américains que sont le Vietnam et la Malaisie, pour déclencher une spirale de représailles dont nul ne sait si elle pourrait rester une simple escarmouche comme l'ont été les multiples confrontations entre patrouilleurs chinois et bateaux vietnamiens en 2011, 2012 et 2014.
Le risque d'assister à une confrontation Chine-USA en Mer de Chine est d'autant plus élevé que le ton adopté ces jours-ci par Trump vis-à-vis de la Corée du Nord pourrait préfigurer une attaque nucléaire préventive contre les projets de missiles inter-continentaux à tête nucléaire que le régime de Kim Jong-un développe d'arrache-pied.