Les élections d'hier ont démontré une fois de plus la polarisation entre la capitale et les provinces, d'une part, et la grande capacité de résistance au changement du système politique argentin, d'autre part:
- à la municipalité de Buenos Aires les résultats sont conformes aux sondages, qui avaient donné depuis des mois le tiercé dans l'ordre: Larreta (premier adjoint de Macri) a atteint 45% et succédera très probablement à son chef de parti la semaine prochaine. Lousteau arrive second avec 25% et le kirchnériste Recalde médiocre troisième avec moins de 22% (le très décrié Filmus avait obtenu plus de 27% des voix en 2011, c'est donc une chute de plus de 5% du péronisme tendance Kirchner dans la capitale, et si l'on se souvient que le péroniste historique contestataire des années Menem "Pino" Solanas avait alors obtenu 15%, le péronisme portègne toutes variantes confondues a dégringolé de 37 à 22 %). Cette chute illustre bien le thème des deux Argentines que j'évoquais dans un précédent billet.
- aux élections provinciales de Cordoba et de la Rioja les caudillos locaux (respectivement De La Sota, pré-candidat présidentiel lié à Massa, et Herrera gouverneur sortant péroniste issu du ménemisme et rallié au kirchnérisme pour raisons alimentaires: la Rioja est une des provinces pauvres qui dépendent des subsides de l'état fédéral) ont transmis leur mandats à leurs bras droits respectifs (tout comme Macri est en voie de le faire à Buenos Aires): à Cordoba la victoire du "delasotisme" est assez serrée mais le concurrent regroupant toute l'opposition anti-péroniste n'atteint qu'un tiers des voix. Je mets des guillemets car du point de vue de la pensée politique, parler du "delasotisme" c'est comme parler du "gaudinisme" à Marseille, ou du "collombisme" à Lyon: ce sont des systèmes très pragmatiques (pour rester poli...) de conservation du pouvoir local sans aucune capacité de projection idéologique et programmatique à l'échelon national (encore que l'on puisse à bon droit estimer que le "hollandisme" n'est qu'un "collombisme" monté en graine, mais c'est un autre débat !).
Ces élections démontrent à l'envi que le système politique argentin traditionnel a encore de beaux restes. Cette combinaison de caudillisme (réseau de barons locaux tout-puissants sur leurs territoires respectifs) d'allégeances clientélaires et de patronages "tout terrain" (entrecroisant les dépendances locales, régionales et nationales) se révèle très solide.
Cela dit, il faut également souligner le poids de la tradition familiale dans cette prime à la continuité sur le changement: en politique comme au football, et beaucoup plus que chez nous, le soutien à tel ou tel club se transmet de père en fils: on est péroniste ou radical de père en fils, comme on est de Boca ou de River de père en fils...