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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 6 août 2016

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Le péronisme en lambeaux

La principale nouveauté politique à l'échelon national et provincial est l'éclatement du péronisme et son incapacité à se recomposer rapidement en vue des prochaines élections.

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 La principale nouveauté politique à l'échelon national et provincial est l'éclatement du péronisme et son incapacité à se recomposer rapidement en vue des prochaines élections. C'est la seule bonne nouvelle pour l'actuel gouvernement dont le dogmatisme néo-libéral et l'amateurisme opérationnel ne méritent à mon avis aucune indulgence particulière.

À plus long terme, cet éparpillement du péronisme fait renaître l'espoir d'une disparition progressive de ce cancer intellectuel et moral qui ronge l'Argentine depuis trois quarts de siècle (voir une décennie de plus, si l'on se souvient que l'alors capitaine Peron était déjà un des participants actifs au coup d'État fasciste d'Uriburu en 1930).

La première cause de l'affaiblissement du péronisme est évidemment l'accumulation des affaires de corruption touchant le clan Kirchner et ses affidés.

La dernière en date, décrite en détail par Alconada-Mon (le journaliste de La Nacion qui dirige par ailleurs l'équipe chargée d'exploiter les Panama Papers) consiste en toutes une série d'entreprises créées par l'ancien jardinier des Kirchner censément pour faire de l'exportation de fruits et légumes mais il s'agissait en réalité de structures-fantômes basées dans un quartier populaire de Rosario et dont certains des prête-noms sont liés à une bande de narcotraficants connus localement comme Los Monos (les singes).

Rappelons à ceux qui se laissent trop facilement intoxiquer par la propagande justicialiste, que la gabegie, le détournement de fonds publics et la corruption sont une caractéristique constante de toutes les cliques péronistes qui se sont succédées au pouvoir en Argentine, du clan Peron-Duarte-Pistarini des années 40 et 50, au clan Kirchner-Fernandez-De Vido des dernières années en passant par le clan Peron-Martinez-Lopez Rega des années 70 et le clan Menem-Yoma-Gonzalez des années 90 (j'ai ici accolé aux noms des couples présidentiels ceux des hommes de confiance qui comptèrent à chaque époque parmi les principaux opérateurs et bénéficiaires des réseaux de corruption mis en place par ces présidences successives).

Ce fonctionnement mafieux des présidents péronistes et de leurs entourages familiaux n'est pas allé sans heurts; rappelons pour mémoire les morts violentes jamais élucidées de Juan Duarte, frère d'Eva Peron, ou de Carlitos Menem, fils de son père: les crapules meurent aussi...

La vraie nouveauté est que la mythologie péroniste va s'affaiblissant, et qu'en conséquence la tolérance de la société argentine à la corruption des dirigeants se réclamant de cette mythologie va diminuant.

La seconde raison est la démonétisation rapide des vaincus de 2015. le perdant de la présidentielle Daniel Scloli a pratiquement disparu des écrans radar (il est à 6% d'intentions de vote dans les sondages pour les prochaines élections législatives). Cristina Fernandez entretient l'illusion d'un retour mais à part un petit noyau d'évitistes congénitalement inconditionnels, plus personne ne peut la voir en peinture (même certaines fractions de La Campora commence à donner des signes de lassitude). Qu'elle soit par ailleurs victime de persécutions injustifiées de la part de la droite judiciaire à travers les tentatives de ranimer à son encontre les ineptes dénonciations du feu procureur Nisman ne change rien à l'affaire, car il reste suffisamment de bonnes raisons de mettre CFK et tout son clan en prison pour ne pas aller en chercher de mauvaises.

Les excès du revanchisme macriste à son égard ont une double fonction tactique, car pouvoir dans une certaine mesure se poser en victime permet à CFK de conserver un minimum de protagonisme politique et ceci est utile à Macri pour retarder la recomposition du Parti Justicialiste, d'une part, et pour maintenir la polarisation qui lui a permis de remporter l'élection présidentielle, d'autre part. Car Macri maintient pour l'instant une bonne cote de confiance dans son électorat (à Palermo qui vota Macri à 60% l'an dernier, le "ruidazo" annoncé pour 20h jeudi soir n'a été qu'une collection de "ruiditos" épars avec un léger pic vers 8h20-8h25, la ponctualité n'a jamais été le point fort des Argentins) tout en étant perçu négativement par les couches populaires qui sont les premières victimes de sa politique. Comme François Hollande chez nous, il a brûlé ses vaisseaux en se lançant dans une politique strictement néo-libérale et il fait reposer ses espoirs d'une consolidation intermédiaire en 2017 (et de renouvellement de son mandat en 2019) sur une très hypothétique amélioration sensible de la situation économique.

Le seul ex-kirchnériste qui émerge (15% d'intentions de vote) est l'ancien ministre de l'intérieur et des transports Randazzo dont tout le monde s'accorde à reconnaître les qualités d'administrateur et la rigueur personnelle (sa rupture de l'an passé avec CFK lui a par ailleurs permis de sortir intact du tourbillon de révélations sur les turpitudes du kirchnérisme).

Le troisième homme de la présidentielle, Sergio Massa bénéficie de 30% d'íntentions de vote, et joue le jeu d'un soutien critique à Macri (avec ces derniers temps plus de critique que de soutien vu la situation socio-économique) et il est en permanence un caillou dans la chaussure pour Macri (qui lui doit son élection) mais comme il constitue en même temps un pôle d'attraction pour le péronisme traditionnel (caudilliste à Cordoba et municipaliste dans les banlieues de Buenos Aires) son "Front Rénovateur" contribue également à favoriser la décomposition du péronisme à tous les niveaux.

La troisième cause principale de l'éparpillement péroniste est l'habileté de Macri et Vidal à jouer des leviers financiers dont ils disposent pour se concilier les bonnes grâces des gouverneurs et autres élus péronistes, en particulier municipaux, dont les habitus clientélistes requièrent de la continuité dans le fonctionnement de la pompe à phynances. Grâce aux fonds nouvellement reçus de l'Etat central, Vidal se permet même de donner une touche sociale à son action politique (mise en place d'un titre de transport gratuit pour les étudiants) et elle est la personalité politique de loin la plus appréciée dans la province de Buenos Aires, beaucoup plus que le très technocratique maire de Buenos Aires Rodriguez Larreta qui fut pourtant le second de Macri pendant une décennie.

 Au niveau national, le dernier effet de ces manoeuvres a été d'obtenir la confirmation par la majorité péroniste du Sénat des nominations controversées d'Arribas et Majdalani à la tête de l'AFI (les services secrets). Cette nomination s'accompagne d'un retour dommageable à l'absence de contrôle parlementaire sur l'action des services (contrôle qui avait été mis en place à la fin du mandat de CFK après le limogeage de Stiuso et les révélations sur le mésusage des services à des fins d'espionnage politique tant par les Kirchners que par tous leurs prédécesseurs depuis le retour à la démocratie) et surtout au renforcement des positions du clan Stiuso au sein de l'AFI,comme l'a expliqué un article bien informé de Carlos Pagni dans La Nacion. Au sein de la classe politique, seule Elisa Carrio, et c'est à son honneur, a élevé publiquement la voix contre ces nominations.

À L'AFI aussi, il fallait que tout change pour que rien ne change...

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