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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 7 juin 2014

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Ukraine: les révolutionnaires sont chocolat

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L'investiture ce jour de Porochenko "le roi du chocolat" montre que le régime oligarchique de la politique-bizness a encore de beaux jours devant lui en Ukraine (ce qui convient aussi bien aux sponsors occidentaux de l'actuel gouvernement qu'à Poutine qui a toujours su arriver à des compromis avec ses prédécesseurs (y compris Timochenko en son temps.)

La victoire dès le premier tour de Porochenko (et la défaite à proportion des "rattachistes" du Donbass) reste néanmoins placée sous le signe de l'ambigüité:

- les autres candidats de l'oligarchie libérale ont subi de cuisantes défaites personnelles (à commencer par Timochenko) mais à travers le maintien de Iatseniouk au poste de premier ministre, ils gardent la main sur la réalité du pouvoir économique, même si l'on peut supposer que Porochenko a une légitimité suffisante pour commencer à peser sur certains arbitrages (mais comme il n'a aucun appareil politique à sa main, celà ne durera que jusqu'aux législatives anticipées qu'il a promis d'organiser à l'automne); ses seuls points d'appui, qui ne sont pas négligeables sont les autres oligarques qui se sont ralliés à lui: d'ici l'automne, avec la marginalisation de Timochenko, c'est le triumvirat Porochenko-Akhmetov-Balouta qui va piloter l'émergence (sur une base clientéliste, ce qui est la norme de fonctionnement de la politique-bizness en Ukraine) d'une structure politique permettant la stabilisation de son pouvoir présidentiel.

- de même, les ultra-nationalistes ont été balayés par le vote utile de la majorité silencieuse mais conservent néanmoins le contrôle de l'appareil militaro-policier. En bonne démocratie, il eût semblé logique que les "messieurs 1%" de l'extrême-droite ukrainienne démissionnassent de leurs postes ministériels dès le lendemain de l'élection présidentielle mais ils sont toujours là: l'Ukraine n'est pas (encore) une démocratie au sens où nous l'entendons en Europe, et ce sont toujours eux qui sont à la manoeuvre dans la répression sanglante (avec de nombreuses victimes civiles) du mouvement "rattachiste" dans le Donbass.

- le caractère minoritaire et chaotique de la mouvance rattachiste (les récents règlements de comptes entre pillards incontrôlés et miliciens de Vostok donnent la mesure de la confusion qui règne là-bas) ne fait plus de doute, et l'attitude guerrière maximaliste tant des rattachistes que des ultras-nationalistes ukrainiens qui restent aux commandes de l'appareil répressif à l'Est est tout simplement inversement proportionnelle à leurs scores aux élections.

Porochenko hier en Normandie et ce matin à Kiev s'est mis à envoyer des signaux contradictoires: certes, la revendication formelle de l'intégrité de l'Ukraine et la dénonciation au passage de l'annexion de la Crimée par la Russie (annexion qui avait pourtant été avalisée implicitement par ses soutiens occidentaux au titre de la realpolitik habituelle) sont évidemment des figures imposées au poste qu'il occupe (on n'imagine pas Porochenko renonçant à récupérer la Crimée dès son discours d'investiture !) et pas nécessairement un indice d'une ligne dure.

Son engagement à maintenir un statut officiel pour la langue russe dans les provinces de l'Est et à mettre en place une décentralisation administrative semblent dessiner les contours d'un compromis politique bienvenu, mais sa rhétorique guerrière vis-à-vis des "rattachistes" montre a contrario qu'il ne peut ou ne veut pas (encore?) d'une confrontation avec les ultras qui noyautent le gouvernement Iatseniouk. Dans la situation actuelle, une vaste majorité des Ukrainiens est lasse des violences et du sang versé, et une réelle opportunité existe de négocier un cessez-le-feu (il semble d'ailleurs que Hollande et Merkel en aient touché un mot à Porochenko hier).

Poutine à l'habitude de traiter avec les oligarques sur la base de compromis mutuellement profitables ("situation win-win" comme on dit dans le jargon gallo-ricain des séminaires de management) et il est certainement prêt à continuer de faire des gestes d'apaisement envers Porochenko (contre rémunération: l'argent avancé par le FMI a déjà servi à rembourser une fraction de la dette gazière de l'Ukraine !) et dans ses relations avec les oligarques russes, tant qu'ils lui versent son pourcentage et qu'ils ne contestent pas son pouvoir, ils peuvent faire prospérer leurs petites affaires tranquillement.

Les cocus de l'Histoire, comme souvent, seront les vrais démocrates qui ont courageusement mené la révolution cet hiver: sans stratégie unitaire, marginalisés électoralement, ils sont condamnés à voir se mettre en place, sous la tutelle conjointe du FMI, de l'UE et de la Russie, une reconfiguration de la structure féodale en place depuis 20 ans, dont les barons seront les oligarques de Kiev, de Kharkov, de Marioupol etc.

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