En Argentine, la spirale inflationniste continue de s'auto-alimenter: les négociations paritaires courent derrière l'inflation et contribuent à la relancer par des effets de second tour, d'une part, et par des anticipations d'inflation future élevée, d'autre part.
L'an dernier, l'inflation était dans une fourchette de 25 à 30%, et cette année elle sera de 40 à 45%.
Les mesures brutales d'augmentation des tarifs de base (eau, gaz, électricité) prises en début d'année par le gouvernement néo-libéral sans concertation ni avec les représentants des usagers particuliers ni avec ceux des acteurs économiques ont provoqué une onde de protestation allant bien au-delà du noyau dur des opposants kirchnéristes.
Magdelena Ruiz-Guiñazu, que l'on peut difficilement suspecter de crypto-kirchnérisme, citait l'autre jour l'exemple d'un couple de petits retraités (équipés d'un seul radiateur à gaz et d'une cuisinière à deux brûleurs) qui a vu arriver une facture de 2 000 pesos soit 40% du montant de la retraite minimale (qui vient de passer à 5 800 pesos soit environ 350 euros par mois).
J'ai pris le temps d'analyser le processus de fixation des nouveaux tarifs du gaz pour confirmer le diagnostic que je portais l'autre jour quant à l'amateurisme du ministère et à l'absence d'appréhension de ce qu'est la vie quotidienne des couches populaires par la PDGcratie gouvernante:
aucun lissage des nouvelles factures par rapport à la consommation moyenne annuelle n'a été mis en place, ce qui fait que l'augmentation des tarifs a coïncidé avec les mois les plus froids et donc les pointes annuelles de consommation de gaz pour le chauffage, aggravant ainsi l'impact social de la nouvelle tarification;
aucune gradation dans le temps n'a été prévue pour la réduction des subventions (décision symétrique dans sa brutalité de la suppression totale et inconditionnelle des taxes sur les exportations agro-industrielles qui servaient entre autres choses à financer les subventions à la consommation);
aucun aménagement n'a été mis en place pour les usagers productifs; les PME ont donc également été frappée de plein fouet;
un tarif social a été tardivement introduit dans le nouveau système, mais son application a été suspendue par la justice en même temps que l'ensemble de la nouvelle tarification...
les usagers en prélèvement automatique paient les nouveaux tarifs alors que les autres ont reçu comme consigne de ne pas payer les factures en attendant que la justice tranche... bref, la confusion est totale;
aucune analyse indépendante de la structure des coûts n'a été publiée par le gouvernement à l'appui de ses décisions, au point que la Cour Suprême, où la droite conservatrice est pourtant majoritaire, et qui doit trancher en dernier ressort sur la légitimité des nouveaux tarifs, vient de décider de se donner au moins un mois pour tirer cette structure au clair;
le seuil de déclenchement et la pente de la progressivité des tarifs ont fluctué et restent encore flous;
aucune nouvelle mesure d'accompagnement visant à encourager les économies d'énergie (du genre des exemptions fiscales sur les travaux d'isolation qui existent en France) n'a été proposée en parallèle.