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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 9 septembre 2014

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Le rapport préliminaire concernant le MH17

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Je viens de parcourir rapidement ce (très) préliminaire rapport. Le bureau néerlandais n'avait certainement plus la pleine capacité technique de mener seul le dépouillement des boîtes noires (son constructeur national Fokker a fait faillite en 1996).

En effet, il faut savoir que seuls les bureaux d'enquête des principaux pays constructeurs d'aéronefs et de moteurs sont amenés à traiter suffisamment d'occurrences d'accidents pour maintenir leur compétence (ce sont le NTSB américain, le BEA français, l'AAIB britannique et leur homologue russe pour les avions non-occidentaux). Dans le cas présent, ce sont les experts britanniques (pays d'origine des moteurs Rolls-Royce) qui ont traité les enregistrements de vol. Les principaux éléments de ce rapport sont:

1°) L'avion volait en croisière à FL330 (juste au dessus de la limite d'interdiction en vigueur de FL320) au cap 115 lorsqu'il a disparu des écrans radars à 13:20:03. les enregistreurs s'arrêtent également à ce moment.

2°) L'avion ne répondant plus au contrôle aérien, le contrôleur a demandé à un autre avion volant à proximité s'il voyait le MH17 (procédure habituelle en cas de perte de contact liée à une panne de radio, qui est un phénomène relativement fréquent: en France, les Rafale sortent en moyenne une fois par mois pour intercepter un avion qui ne répond pas parce que sa radio est tombée en panne et que les pilotes ne s'en sont pas aperçus) et le pilote de l'autre avion a répondu par la négative.

3°) Les perforations dans les morceaux d'avion montrent qu'il a été transpercé par "des projectiles à haute énergie venant de l'extérieur" (en clair que l'avion a été abattu).

4°) La disposition des débris montre que l'avion a explosé en vol. Plus précisément (ce n'est pas indiqué dans le rapport, mais on peut le déduire des photos fournies) on peut se rendre compte que le nez de l'avion et le cockpit se sont détachés en premier, le reste de l'avion ayant atteint le sol un peu plus loin.

Il manque beaucoup de choses pour comprendre ce qui s'est passé, en particulier beaucoup d'éléments de contexte ne sont pas fournis:

- l'analyse préliminaire de la situation météo indique des cumulo-nimbus mais la météo ne semble pas réellement en cause  (la zone d'activité orageuse maximale se trouvait nettement plus à l'ouest, de l'autre côté de la Crimée) et contrairement à ce qui avait été initialement indiqué par les Ukrainiens, il ne semble pas qu'un changement de route ait été imposé par la situation météo (mais comme le contexte amont n'est pas décrit en détail, il est cependant difficile de s'en faire une idée précise.)

- l'équipage avait demandé à changer de niveau de vol, mais cette demande a été refusée en raison du trafic (dans l'organisation de l'espace aérien les niveaux impairs sont pour les vols dans un sens et les niveaux pairs pour les vols dans l'autre sens ; c'est une méthode basique de minimisation des conflits sur les routes bi-directionnelles qui relève de la " séparation stratégique" des aéronefs; or l'équipage avait demandé le FL340, à contresens de sa navigation et il est donc logique que sa demande ait été refusée en raison du trafic en sens inverse; le contrôle leur a ensuite demandé s'ils pouvaient monter à FL350 pour résoudre un conflit mais l'équipage a répondu qu'il ne pouvait pas; toute cette partie du dialogue ATC n'est pas transcrite en détail mais seulement résumée.)

- un échange téléphonique a eu lieu (en russe, traduit en anglais dans le rapport) entre le centre ukrainien de Dniepropetrovsk et le centre russe de Rostov pour gérer la prise en charge ultérieure de l'avion sur un point de report (waypoint) après une directe via un autre point pour raison de trafic. Mais la raison pour laquelle le contrôle a imposé une directe sur l'autre point n'est pas explicitée.

- le rapport indique que les images radar russes et ukrainiennes fournies à la commission coïncident concernant la localisation du MH17 mais elles ne montrent que les autres avions civils volant à proximité ; rien n'est indiqué concernant le trafic militaire (ce point de divergence entre la version russe et la version ukrainienne ne pourra être clarifié que si toutes les parties mettent sur la table leurs enregistrements radar primaires; à ce jour, les Ukrainiens n'ont toujours pas diffusé ces données publiquement et le rapport préliminaire ne détaille pas ce qui a été fourni à la commission d'enquête)

- l'intégrité des données CVR et FDR (les enregistrements des "boîtes noires") n'a pas été compromise (il faut ici éviter de se lancer dans des spéculations complotistes concernant des manipulations de ces données par l'une ou l'autre partie en conflit)  ; Cependant l'absence d'une transcription complète des échanges entre les pilotes et le contrôle sur toute la durée (30 mn) rend l'interprétation de la situation difficile, en particulier pour savoir si un changement de route a été négocié en amont et pourquoi (l'avion volant nettement plus au nord que sa route nominale).

- on peut noter une différence de poussée d'environ 10% entre les deux moteurs, ce qui n'est pas négligeable, ainsi qu'une petite accélération verticale ascendante. Là encore, les informations de contexte sont trop imprécises pour en tirer ne serait-ce qu'une hypothèse de travail sur la trajectoire de l'avion dans ses dernières minutes de vol.

Last but lot least: le délai d'un an prévu pour la remise du rapport définitif n'a rien d'anormal.

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