Эпитафия
Владимир Соловьев
Лежит на месте этом.
Сперва был философ.
А ныне стал шкелетом.
Иным любезен быв,
Он многим был и враг;
Но, без ума любив,
Сам ввергнулся в овраг
Он душу потерял,
Не говоря о теле:
Ее диавол взял,
Его ж собаки съели.
Прохожий! Научись из этого примера,
Сколь пагубна любовь и сколь полезна вера.
Epitaphe
Vladimir Solovioff
En ce lieu reposant,
Fut d'abord philosophe,
Squelette maintenant.
Avec autrui il fut gentil,
Quoiqu'un ennemi pour beaucoup,
Ayant aimé à la folie,
Il est tombé au fond d'un trou,
Son âme il a perdu,
Du corps ne pas parler:
L'a prise Belzébuth,
Et les chiens l'ont mangé.
Toi qui passes, apprends à partir de ce cas,
Comme est nuisible l'amour et bonne la foi.
Notes sur le texte et la traduction:
Ce poème de 1892 en forme d'épigramme, contient une note d'auto-dérision humoristique peu fréquente chez Soloviov. Sauf les deux derniers vers plus longs (ce sont des dodécasyllabes), il est composé d'hexasyllabes que j'ai traduit par des vers de 6 ou 8 syllabes pour en respecter le rythme.
Solovioff: j'ai ici adopté exceptionnellement la graphie ancienne (cf. Michel Strogoff) pour bien marquer la rime avec "philosophe", plus naturelle en russe du fait du dévoisement de la finale en 'в'.
un ennemi pour beaucoup: allusion à ses multiples démêlés avec les autorités comme aux critiques qu'il recevait de la part des révolutionnaires comme des conservateurs.
à la folie: le texte dit littéralement: "sans souffle", "à bout de souffle", qu'on pourrait traduire par: "éperdument".
au fond d'un trou: le texte russe dit: "dans un ravin".
l'a prise: c'est évidemment de l'âme, mot féminin en français comme en russe qu'il s'agit.
Belzébuth: le texte dit simplement: "le diable", mais ce choix que j'ai fait pour la rime est compatible avec le ton humoristique du poème.
Toi qui passes: le texte dit: "Passant !" mais étoffer l'interpellation permet de se ramener à la solennité de l'alexandrin.