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Michel DELARCHE

retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 10 septembre 2024

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L'autre Tourguéniev

Nikolaï, homonyme d'Ivan bien moins célèbre que lui, passa plus de la moitié de sa vie en exil à Paris.

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Son père Ivan Pétrovitch était le directeur de l'université de Moscou créée par Lomonossov. Il fit des études universitaires en Russie puis en Allemagne et s'intéressa à l'économie politique. Il fit un premier séjour à Paris en 1811-1812 au cours duquel il fut admis dans la franc-maçonnerie. De 1813 à 1816, il passa l'essentiel de son temps en Allemagne où il fut chargé de réorganiser des administrations.

En 1818 il publia à ses frais une Théorie de l'impôt (ce livre sera interdit après 1825) dans laquelle il condamne la prison pour dettes et les châtiments corporels et recommande la mise en place de déductions fiscales pour orienter les investissements et aussi l'amélioration de la représentation politique du peuple dans les institutions comme base du consentement à l'impôt. En 1819, il rédige à la demande du gouverneur de Saint-Pétersbourg un rapport recommandant l'allègement des contraintes du servage dont les principales suggestions (comme l'interdiction de séparer les familles lors des ventes de serfs ou l'interdiction pour les serfs de posséder des terres) seront très progressivement acceptées par l'autocratie.

Partisan des idées libérales, il devint membre de l'Union du Bien-Être, une société secrète ayant pour but de restreindre le pouvoir absolu de l'autocratie, puis un membre très actif de la Société du Nord, et il fut donc, malgré ses dénégations ultérieures inspirées par le souci de protéger ses camarades emprisonnés en Sibérie, étroitement lié aux comploteurs décabristes.

Absent de Russie lors de la tentative de coup d'État de décembre 1825, il fut condamné à mort par contumace, peine commuée en travaux forcés à perpétuité en Sibérie ce qui le conduisit à se fixer en France et il vécut à Paris jusqu'à sa mort.

Il publia en 1843 son grand œuvre (trois tomes) en français intitulé La Russie et les Russes. Il participa à distance aux débats qui menèrent à l'abolition du servage en 1861 et donna ensuite chaque année une grande réception chez lui pour célébrer l'anniversaire de cette abolition. Il put effectuer trois voyages en Russie entre 1857 et 1864 après avoir été gracié par le nouveau tsar Alexandre II. Ses quelques poèmes de jeunesse n'ont à ma connaissance jamais été traduits en français.

En voici un:

Камин   

Во время скучное печали и несчастья,
Когда всё пасмурно и на дворе ненастье;
Когда мой чижичек повесив нос сидит,
И всё вокруг меня, всё сентябрём глядит;
Когда, набравши дров, камин свой затопляю
И синий огонёк мехами раздуваю, -
Тогда с унынием сажусь против него,
Забывши целый свет и друга своего,
Беседую один с моим воображеньем.
И, видя ход вещей и времени стремленье,
Несчастье всех людей, ничтожность жизни их,
Которая кратка, как самый скорый миг, -
Теряюсь в мыслях весь, себя сам забываю;
Но вдруг смущенный взор в камин я обращаю
И вижу - угольки потухли уже там.
Вот участь всех людей, награда суетам:
Жар в угле пропадёт - и уголь потухает;
Так, после славы всей, и смертный умирает!

Ma traduction:

La cheminée
Dans les moments d'ennui, de malheur, de tristesse,
Quand tout est nuageux, mauvais temps dans la cour ;
Quand mon pinson se fige et que son bec s'abaisse,
Et que se voit septembre partout aux alentours,
Quand j'allume le feu, ayant cherché du bois,
Avec le soufflet j'attise la flamme bleue,
Et puis, découragé, contre lui je m'assois,
Du monde et de l'ami devenant oublieux,
Seul avec mon imagination je confère,
Voyant le cours des choses et la pente du temps,
Et le malheur des gens, et leur vie de misère,
Qui est aussi courte que le plus bref instant.
Moi-même je m'oublie, dans mes pensées perdu ;
Mais soudain, tournant vers l'âtre mes yeux troublés.
Je vois que les braises déjà ont disparu.
C'est là le sort de tous, prix à la vanité:
Quand le charbon s'éteint disparaît sa chaleur ;
Ainsi, après toute la gloire, un mortel meurt !

Notes sur le texte et la traduction:

Ce poème méditatif de 1807 exprime une vision matérialiste de la mort comme processus naturel d'extinction. Ce poème est en rimes plates de qualité inégale. La traduction est en rimes alternées sauf les deux derniers vers.

pinson: on trouve diverses traductions possibles de ce nom de petit oiseau (pinson, chardonneret, tarin des aulnes...)

se fige: le texte dit "/s'assied/est assis/".

partout aux alentours: le texte dit "tout autour de moi".

j'attise: le texte dit: "je souffle".

du monde et de l'ami devenant oublieux: le texte dit "j'oublie le monde entier et mon propre ami".

je confère: le texte dit "je discute".

la pente: le texte dit "la tendance".

ont disparu: le texte dit: "se sont éteintes".

de tous: le texte dit: "de tous les gens".

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