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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 10 septembre 2025

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L'Argentine prépare l'après-Milei

Milei a subi dimanche une lourde défaite aux élections provinciales et municipales de la province de Buenos Aires, et ce n'est que le début

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Milei a cherché a se consoler en disant que les 47,4% obtenus par l'opposition péroniste dans la province de Buenos Aires (PBA) et les 33,8% de ses propres candidats étaient respectivement un plafond et un plancher, mais il disait la semaine d'avant qu'un écart supérieur à 5% serait à ses yeux une défaite...

Il s'agissait d'un scrutin régional mais le poids de la PBA (35% de la population) et surtout la volonté de Milei de faire de ce scrutin un test national rendent le choc d'autant plus rude pour la Droite argentine.

Les premières analyses du scrutin montrent que le désenchantement politique des citoyens est au plus haut: par rapport aux précédentes élections de 2021, l'abstention a monté de 27,6% à 39% et surtout le nombre de votes blancs ou nuls a plus que doublé, passant de 2,1% à 4,8%.

La moindre participation peut en partie s'expliquer par la décision du gouverneur Kicillof (combattue jusqu'au bout par les kirchnéristes purs et durs qui craignaient que cela ne rende la mobilisation de leur électorat populaire plus difficile) de disjoindre cette élection locale et provinciale des élections nationales de mi-mandat de fin octobre, mais les chiffres bruts indiquent qur les péronistes ont gagné 375 000 voix alors que la Droite en perdait un million et demi.

Ce sont donc les électeurs de Milei qui ont massivement fait défection et se sont pour la plupart réfugiés dans l'abstention. Il semble que ce soit en particulier les jeunes électeurs des couches populaires et moyennes qui s'étaient laissés séduire par le discours antisystème de Milei qui l'ont abandonné, faute de voir leur situation s'améliorer.

L'ample victoire de Kicillof qui apparaît désormais comme un possible candidat péroniste progressiste à la prochaine présidentielle a aussi des causes qui relèvent de la tactique électorale et de la conjoncture politique:

1°) Kicillof a eu l'habileté de prendre ses distances avec Cristina Kirchner et son fils (qui sont avec les ex-présidents Fernandez et Macri les politiciens les plus détestés du pays.)

2°) Kicillof a pris soin d'enrôler les maires et l'appareil syndical péroniste (en la personne du chef du syndicat des camionneurs placé en N°2 sur la liste) en jouant la carte du local et des propositions concrètes d'amélioration, sans pour autant renoncer à dénoncer la politique de Milei, et, bon grè mal gré, les kirchnéristes tout comme les péronistes de Droite tentés par la dissidence ont été obligés de se ranger derière lui. 

3°) Milei et son âme damnée Karina (Karina 3% comme elle est désormais désignée) ont passé leur temps à humilier leurs alliés et insulter leurs adversaires sans proposer de programmes à l'échelon de la province et des municipalités, et leur volonté de globaliser et nationaliser ce scrutin s'est retournée contre eux.

4°) les récentes affaires de corruption impliquant des proches de Milei et Macri ont achevé de dégoûter bien des électeurs.

Les élections d'octobre se présentent mal pour Milei car les puissants gouverneurs des provinces de l'intérieur qui sont pourtant en majorité de Droite (qu'il appartiennent à l'UCR ou au parti péroniste) cherchent à construire une alliance centriste qui soit à la fois anti-miléiste et anti-kirchnériste et les oligarques du Circulo Rojo commencent à travailler à une solution de remplacement pour éviter qu'une politique plus égalitariste ne revienne rogner leurs bénéfices.

Les deux pistes principales sont:

1°) si les choses se gâtent à court terme, jouer la carte Villaruel en poussant Milei vers la sortie avant qu'il ne soit trop tard pour le remplacer par sa très réactionnaire mais plus présentable vice-présidente (d'ailleurs on n'entend pas Villaruel ces jours-ci, elle préfère visiblement laisser Milei et sa frangine s'enfoncer.)

2°) à plus long terme, faire émerger au sein d'un bloc de gouverneurs de centre-droit un consensus sur un candidat favorable à leurs intérêts qui serait ensuite, comme Macron l'a été chez nous, puissamment soutenu par les médias (qu'ils contrôlent quasi-totalement.)

Surtout, bien que le FMI continue de soutenir Milei et sa clique à coup de milliards de dollars et de communiqués lénifiants, avec l'appui de Trump et la complicité des dirigeants européens, la politique présentement menée, consistant à proposer des taux d'intérêt stratosphériques en pesos (75% annuel sur des placements à 30 jours)  pour éviter la fuite habituelle vers le dollar en période d'incertitude et en forçant les banques à conserver plus de 50% des dépôts dans leur caisse et à les utiliser pour acheter des bons d'Etat et ainsi assécher le stock d'argent circulant, a pour principal effet de provoquer un violent début de récession, d'accentuer les fermetures de PME, et une montée du chômage.

L'obsession miléiste de maintenir le dollar peu cher pour permettre à sa clientèle électorale des classes moyennes supérieures d'aller dépenser un milliard de dollars par mois en tourisme à l'étranger va leur coûter très cher et encore plus au reste des Argentins.

Une grosse correction (de l'ordre de 20%) du taux de change sera inévitable après les élections, si la relance de la course au dollar ne la provoque pas avant les élections: le dollar et l'euro ont monté de 6% ce lundi et le gouvernement va faire feu de tout bois pour éviter une "corrida bancaria".

Les groupes financiers argentins et internationaux qui ont bien profité de la politique de Milei n'ont pas de coeur et même pas la reconnaissance du ventre: la banque Morgan-Stanley qui avait juste avant l'élection de la PBA recommandé d'investir en Argentine s'est ravisée au vu du résultat de cette élection.

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