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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 11 février 2014

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La raison populiste: un regard complaisant sur le culte du chef

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Un des aspects importants du populisme est le développement d'un culte du chef (NB: il s'agit ici du culte entretenu de son vivant, à ne pas confondre avec le culte symbolique d'une icône après son décès).

À grand renfort de références freudo-lacaniennes, Laclau décrit ce phénomène sans aucun recul critique. Il y voit un mécanisme de construction symbolique de l'entité "peuple" à travers la limitation/dissolution/sublimation du narcissisme individuel en amour du "lider" (établissement d'un lien émotionnel au chef sous le régime de l'investissement libidinal) et qui devient facteur de cohésion politique du corps social.

Il précise que ce mécanisme d'adhésion/identification au chef ne fonctionne que si le chef peut être représenté en quelque manière comme "semblable au peuple" ("l'un d'entre nous", le "primus inter pares") en tant qu'individu, tout en constituant un modèle à imiter. Il note aussi la possibilité d'un leadership négatif par le rejet d'une figure servant de facteur unifiant au peuple: nous avons vécu cela récemment avec l'anti-Sarkozisme, qui fut il y a une paire d'année le revers du culte de Sarkozy, et pour les plus anciens lecteurs de ce blog, le rejet du dernier référendum plébiscitaire gaulliste en 1969 procédait d'un mécanisme similaire d'inversion du culte du chef.

Laclau évoque d'autres phénomènes identificatoires comme l'imitation du chef par ses thuriféraires (je me souviens bien de tel apparatchik de la CGT des années 70-80 qui avait pris l'accent de G. Marchais). Les passionnants ouvrages sociologiques de J. Auyero dont j'ai parlés par ailleurs mettent en lumière la façon dont les structures de base du clientélisme péroniste entretiennent l'imitation d'Evita (les responsables de quartier se teignant en blonde et imitant le phrasé à la fois didactique et passionnel de leur idole.)

Tout ceci constitue à mes yeux un faisceau compact d'archaïsmes profondément régressifs dans la manière de concevoir la politique et la relation entre les dirigeants et le peuple: aujourd'hui, la politique crève, entre autres choses, de la dictature de l'émotionnel et de ses immédiatetés identificatrices. Décrire, comme le fait Laclau, les mécanismes et les modes de fonctionnement de la politique populiste sans les remettre en perspective et y porter un regard critique me semble participer de ce même mouvement régressif.

Le 20ème siècle a eu si largement sa dose de Grand Timonnier, Führer, Duce, Petit Père des Peuples, Conducator, Lider Maximo, Maréchal-nous-voilà etc. etc. que cela devrait donner envie aux citoyens lucides du 21ème siècle, droite et gauche confondues, de rompre définitivement avec ce genre de modèle.

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