Ayant parcouru d'un regard dubitatif la récente rafale d'articles pondus par la rédaction de Médiapart, je tends à partager l'opinion émise par Sycophante quant au caractère potentiellement contre-productif de cette avalanche.
Plutôt que de se concentrer sur le seul Soral et surtout de se contenter de l'anthologiser sommairement, il serait plus utile de décortiquer sa rhétorique dans une perspective historique, en développant des comparaisons avec d'autres discours "nationaux-révolutionnaires" pour pointer derrière des variations de circonstances (qui tiennent à l'actualisation nécessaire du discours pour lui donner une efficacité politique hic et nunc) un système de valeurs largement partagé par l'ensemble de l'extrême droite et de la droite extrême (car un Ciotti ou un De Villiers sont-ils vraiment bien loin idéologiquement d'un Soral ?)
Il est somme toute assez facile de repérer le mécanisme générique de construction des schémas de "pensée" communs à l'arrière-garde catho-réac tendance mili-tradi et à l'avant-garde auto-proclamée des "nationaux-révolutionnaires": la dé-historicisation des catégories socio-culturelles et économiques et l'essentialisation de prétendus caractères nationaux, ethniques, communautaires, de genre etc.
On peut ainsi aisément produire du stéréotype (négatif, forcément négatif) concernant les juifs, les homosexuels, les femmes, les noirs, les arabes, les rouquins, les protestants etc. et inversement fabriquer du stéréotype positif concernant les français (de souche), les allemands, les japonais et les chinois (tous en choeur: "eux, au moins ils travaillent et ils sont disciplinés").
C'est donc assez facile et plutôt amusant (et cela peut se révéler utile dans une démarche humoristique de provocation à la réflexion, tout en sachant que le second degré n'est pas à la portée de tout le monde.)
Mais dans une démarche d'élucidation des ressorts de son efficacité politique, il me semble plus judicieux d'aller pointer les articulations implicites de ces discours pour les remettre à plat. Par exemple, la présente démarche "sociale-nationale" de Soral (finalement pas très différente de celle de Marine Le Pen) consiste à commencer par dénoncer les banques et les banquiers, ce que tout ennemi des "banksters" ne peut qu'approuver, puis à se polariser aussitôt sur une certaine sous-catégorie méritant comme par hasard une surcharge d'opprobre: les milliardaires juifs chez Soral, les milliardaires qataris chez Marine Le Pen, la ploutocratie anglo-saxonne (ça ne nous rajeunit pas...) chez les chantres de la Révolution Nationale, les oligarques anti-nationaux dans l'extrême-droite russe etc. etc.