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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 15 novembre 2024

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Inflation et crises en Argentine

L'inflation et les crises financières s'enchaînent en Argentine

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Compte tenu des biais que présente l'indice argentin des prix à la consommation, j'ai pris l'habitude depuis une dizaine d'années de calculer mon propre indice des prix.

Mon indice Estancia me permet d'évaluer l'inflation argentine de manière réaliste à partir du prix d'un repas-type pour deux personnes dans un certain restaurant de Buenos Aires.

L'évaluation de mi-novembre 2023 était à 15950 pesos.

Un an plus tard, l'évaluation est de 52000 pesos (on était à 38000 pesos à mi-avril).

L'augmentation est donc de 226% en 12 mois, soit une moyenne de 11% par mois environ. L'inflation annuelle demeure donc très élevée mais le rythme mensuel d'augmentation est passé de 19% sur la période novembre-avril à seulement 4,5% sur la période avril-novembre.

Par rapport à l'indice général des prix mesuré par l'INDEC qui est sensiblement inférieur, on voit que les prix des services de restauration ont augmenté un peu plus vite que l'indice moyen des prix. C'esr également vrai des prix des autres services en général.

Il est intéressant de calculer l'impact de cette inflation sur le pouvoir d'achat des touristes européens qui se rendent en Argentine.

Pour cela, il convient de recalculer l'indice en euro, au taux du marché de la rue (euro « blue »). À mi-novembre 2023, l'euro blue valait environ 950 pesos, alors qu'un an plus tard il vaut environ 1200 pesos.

En convertissant les indices correspondant en euros, on peut estimer la variation de pouvoir d'achat des touristes étrangers:

Indice de novembre 2023 en euros: 15950 / 950 = 16,79 euros.

Indice de novembre 2024 en euros: 52000 / 1200 = 43,33 euros.

La perte de pouvoir d'achat est donc considérable et les touristes étrangers ne s'y trompent pas: on voit cette année, malgré l'attrait des saisons inversées pour les gens originaires de l'hémisphère nord, beaucoup moins de touristes étrangers, et en particulier les Brésiliens, dans les rues de Buenos Aires.

Le retard de change par rapport à l'inflation (ce qu'on appelle ici « atraso cambiario ») rend bon marché le dollar (et aussi l'euro et toutes les autres devises plus ou moins calées sur le dollar), ce qui favorise les importations au détriment de la production nationale. C'est une politique délibérée du gouvernement Milei pour réduire l'inflation mais elle a un impact désastreux sur l'économie réelle et en particulier sur les PME.

Ce retard de change satisfait également la fringale de voyages touristiques à l'étranger des Argentins qui en ont les moyens (même si leurs dépenses à l'étranger sont facturées à un taux plus élevé que le taux officiel) et développe les « tours de compras » (expéditions de shopping transfrontalier) organisés cette année au Brésil ou au Chili.

Pour cette année, on estime que les dépenses touristiques des Argentins à l'étranger seront de l'ordre de 10 milliards de dollars soit la moitié de ce que rapportent les taxes sur les exportations agricoles.

Rendre le dollar artificiellement peu cher est une caractéristique commune à tous les ministres néolibéraux argentins de l'économie depuis Martinez de Hoz à l'époque de la dictature militaire jusqu'à Caputo sous Macri et Milei en passant par Cavallo sous Menem et De La Rua.

Cette politique favorable à la spéculation financière s'est invariablement terminée en catastrophe lorsque les dollars ont cessé d'affluer, comme lors de l'écroulement d'une pyramide de Ponzi.

Cette phase d'euphorie consommatrice, en particulier des classes moyennes supérieures est appelée « Plata Dulce » (c'est le titre d'une comédie noire de 1983 sur la passion spéculative qui s'empare  périodiquement des petits bourgeois argentins).

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on doit envisager un nouvel effondrement financier de l'Argentine courant 2026. L'opération de blanchiment des capitaux détenus à l'étranger vient d'injecter 20 milliards de dollars dans le système financier local, ce qui devrait permettre au gouvernement de passer le cap des élections intermédiaires de fin 2025 (et c'était à mon avis le but principal sinon le seul de cette opération) mais pas d'aller beaucoup plus loin car les marges de manoeuvre de l'Argentine en termes de rentrées d'argent frais provenant des privatisations et de l'endettement ne sont plus ce qu'elles étaient à l'époque de Menem.

Cette politique de Plata Dulce a fait faillite au bout de deux ans et demi à l'époque de Macri et on peut donc prévoir un délai au mieux équivalent avant que l'éclatement d'une crise similaire ne mette fin aux espoirs de réélection de Milei.

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