Depuis quelque temps, une grande mobilisation médiatique a lieu en Argentine autour du narcotrafic en raison de la recrudescence des faits divers sanglants (réglements de compte entre "narcos", mise en cause de responsables policiers incompétents et/ou corrompus).
L'épicentre du phénomène est la ville de Rosario (le principal port après Buenos Aires qui sert en particulier à exporter le soja et les céréales) qui a toujours tenu un rôle éminent dans l'histoire criminel du pays: dans les années 20, cette ville était surnommée "La Nueva Chicago" (c'est encore le nom d'un club de foot local) en raison du poids de la criminalité organisée (proxénétisme, trafic de drogue, jeux clandestins...)
Bref, Rosario, c'est le Marseille des Argentins...
La crise de 2001-2003 a provoqué une intensification de la commercialisation et de la consommation des drogues illicites et les rumeurs les plus extravagantes courent quant aux liens supposés des politiciens avec les gestionnaires du trafic. Dès les années 90, certains "punteros" (agents électoraux) de Duhalde (gouverneur de Buenos Aires et "faiseur de roi" du péronisme) avaient été dénoncés pour leur rôle dans le trafic de drogue des bidonvilles de la banlieue sud. Plus récemment, les dynamiques "entrepreneurs" du "gang de l'éphédrine" assassinés par leurs partenaires colombiens et mexicains, avaient généreusement contribué à financer la campagne électorale de Cristina Fernandez en 2007.
Plus de la moitié de la cocaïne consommée annuellement en Europe (70 tonnes sur 123 en 2010 d'après la DEA américaine) arrive de Colombie, d'Équateur et de Bolivie via l'Argentine. L'exportation vers l'Europe se fait un peu par des "mules" prenant l'avion, mais surtout par dissimulation de la drogue dans des containers expédiés par bateau (car les ports sont moins surveillés que les aéroports) à partir de Rosario et de Buenos Aires: la toute dernière affaire découverte cette semaine porte le nom poétique de "pantalones nevados" (car la cocaïne était dissimulée dans des piles de jeans).
Ce trafic représente énormément d'argent, dont une petite partie sert à financer le manque d'efficacité des policiers et douaniers argentins...
Suite aux derniers événements les plus spectaculaires (lynchage de rue de petits délinquants par des citoyens rendus hystériques par des médias locaux qui n'ont rien à envier à TF1, M6 ou BFM) les politiciens de la droite péroniste (en particulier Sergio Massa, candidat déclaré aux présidentielles de 2015) ont enfourché avec enthousiasme le cheval de bataille de l'insécurité (bien qu'à l'aune des statistiques disponibles Buenos Aires soit une ville nettement plus sûre que Rio, Mexico, Bogota ou Caracas), et le gouverneur Scioli (principal candidat à la succession de Cristina Fernandez) n'a pas voulu être en reste et a immédiatement réagi en déclarant l'état d'urgence pour un an (mesure incluant le rappel en service de tous les policiers récemment retraités).