Piotr Potiomkine (1886-1926) natif d'Oriol (comme Tourguéniev) dans une famille de noblesse pauvre, fut non seulement un poète mais également un traducteur et aussi un joueur d'échecs du niveau d'un fort amateur tel que Marcel Duchamp. Il fréquentait la bohème littéraire de Saint-Pétersbourg et publia plusieurs recueils de poésie dans les années précédant la première guerre mondiale. Il fut, avec Gorianskiï, Kniazev, Kozmine-Proutkov, Teffi et Venskiï, un des principaux contributeurs de la revue littéraire humoristique Satiricon. La Révolution russe le poussa à l'exil en France où il gagna sa vie en écrivant pour des revues et en faisant de la traduction et aussi un peu de cinéma comme acteur. Il mourut prématurément de la grippe.
Осень
В тишине измокших сосен,
шитых золотом берез,
тихо бродить ведьма Осень,
треплет прядями волос.
Погрозила мне рукою,
замахнулась костылем,
притворилась злою, злою,
прошептала: Все умрем.
Automne
Dans le silence des pins ruisselants,
Des bouleaux brodés de dorures,
La sorcière Automne erre doucement,
Remuant des cheveux la frisure.
De la main elle m'a menacé,
A levé sur moi son bâton,
A simulé la méchanceté,
Et murmuré : "Tous nous mourrons".
Notes sur le texte et la traduction:
Cet étrange poème fut d'abord publié dans Satiricon puis dans le recueil Смешная любовь (qu'on peut traduire par "amour comique" ou par "amour ridicule") en 1908. Il alterne des octosyllabes et des heptasyllabes avec des rimes croisées et la traduction respecte ce schéma de versification en alternant des octosyllabes avec des vers plus longs (9 ou 10 syllabes).
ruisselants: le texte dit 'mouillés' ou 'détrempés'.
la sorcière Automne: en russe, l'automne est féminin.
brodés de dorures: une maladroite traduction littérale pourrait être "cousus d'or", ce qui ne convient évidemment pas ici.
des cheveux la frisure: le texte dit: "les boucles de sa chevelure".
son bâton: le texte dit "sa canne" ou "sa béquille".
A simulé la méchanceté: le texte dit : "Elle se prétendit méchante, méchante"; la répétition de l'adjectif en russe n'est là que pour maintenir le rythme de l'octosyllabe.