Pour se faire une idée de ce lent grignotage, il faut considérer l'évolution de la situation sur plusieurs mois.
La cartographie diachronique disponible sur le site ukrainien DeepState donne une vue précise des évolutions (tellement précise que l'Etat-Major ukrainien en a récemment censuré la sortie pendant quelques jours, de crainte qu'elles ne soient utiles à l'ennemi).
Si on considère l'état du front à quatre mois d'intervalle (d'octobre 2024 à janvier 2025) on peut voir que le front de Louhansk ne bouge pas (les zones en vert représente le terrain reconquis par l'Ukraine et les zones en rose la progression de la Russie, les zones grises reflétant le no-man's-land et les zones de combat):
Agrandissement : Illustration 1
Agrandissement : Illustration 2
En revanche, la Russie a grignoté très progressivement du terrain aux environs de Pokrovsk, important noeud routier et ferrovaire permettant d'alimenter la partie centrale du front à partir de Dnipro:
Analyser cette progression de mois en mois à une échelle plus petite permet de cerner la stratégie russe dans cette zone:
Agrandissement : Illustration 3
Agrandissement : Illustration 4
Agrandissement : Illustration 5
Agrandissement : Illustration 6
On voit que les Russes ont renoncé à tenter des assauts frontaux contre les défenses ukrainiennes à l'est et au sud de Pokrovsk, se contentant de maintenir une pression constante pour empêcher les Ukrainiens de se redéployer (c'est la même démarche de mutliplication des escarmouches tactiques que les Ukrainiens ont utilisée il y a deux ans pour les forcer à repasser le Dniepr du côté de Kherson).
Leur progression s'effectue en contournant Pokrovsk par le sud-ouest dans une zone où ne se trouvent que quelques villages nécessairement moins bien défendus que Pokrovsk et les autres villes et ils essayent de remonter vers le nord par un mouvement enveloppant, probablement afin de couper à terme la route principale qui relie Pokrovsk à Dnipro. Ils prennent également soin d'exercer une poussée continue dans différentes directions sur un front d'une quinzaine de kilomètres de largeur du nord au sud afin d'éviter que les ukrainiens n'isolent leurs avant-gardes par des contre-attaques de flanc.
Il ne faut pas se laisser abuser par l'échelle: en 4 mois les Russes n'ont progressé que de 15 à 20 km vers l'ouest et ils ne se sont rapprochés de Pokrovsk par le sud que de 2 ou 3 km seulement. Mais s'ils parvenaient dans les prochaines semaines à couper Pokrovsk de sa principale ligne de ravitaillement, la défense de la ville deviendrait difficile.