En indiquant officiellement que les Etats-Unis d'Amérique n'interviendraient pas en Ukraine, Obama a suivi ses militaires et décidé d'amorcer une désescalade, ce qui confirme bien que l'objectif géostratégique primordial des Américains en ce moment n'est pas de durcir l'encerclement de la Russie mais de renforcer le couplage transatlantique. Cette décision de non-intervention revient implicitement à valider ce que disait Kissinger il y a deux semaines: l'Ukraine doit rester une zone-tampon hors OTAN.
Du coup, après avoir fait inconsidérément monter la pression depuis trois jours, le gang de bouffons excités qui tient lieu de gouvernement à l'Ukraine a sagement mais tardivement baissé pavillon et abandonné toute velléité de s'opposer militairement à la Russie en Crimée. La tension est retombée: le commandant de la base ukrainienne de Sébastopol a été libéré par les Russes, et tous les militaires ukrainiens qui le souhaitent vont pouvoir rentrer en Ukraine sans inutile effusion de sang.
Ceci ne veut pas dire que tout risque d'incendie dans les régions de l'Est soit écarté: il suffirait d'un pet de travers d'un côté ou de l'autre pour que Poutine (qui conteste clairement les frontières "bolcheviques" de l'Ukraine: cf. mon précédent billet) se saisisse de l'occasion pour prendre le contrôle d'un autre morceau du pays (si l'on fait un parallèle avec les opérations en Géorgie, et que la Crimée soit une Abkhazie-bis, alors Donietsk pourrait devenir une Ossétie-bis).
Bilan: l'Ukraine a perdu bêtement la Crimée à cause de ses ultra-nationalistes débiles si vaillamment soutenus par nos propres zozos coupables-mais-irresponsables (BHL et compagnie) et la résolution de ses vrais problèmes (démantèlement du système de corruption géré au profit des oligarques, reconstruction d'une légitimité démocratique post-coup d'Etat, plan de refinancement de la dette) n'a pas avancé d'un pouce: les bouffons de Kiev ont immédiatement remis en selle les oligarques de l'Est ukrainien très brièvement déstabilisés par la chute de Yanoukovitch et ils ont conforté par pure tactique à très court terme leur poids politique. Yatseniouk a annoncé des mesures d'austérité du même tonneau que celles qui ont été imposées par la Troïka en Grèce (et tout comme en Grèce, c'est le peuple qui paiera le prix de la fraude et de la corruption des dominants) sans qu'aucun sacrifice n'ait été envisagé du côté des prêteurs et des gros débiteurs privés dont la fortune restera bien au chaud dans les paradis fiscaux anglo-américains (toutes les si accueillantes succursales tropicales de la City.)
Voilà qui augure mal du maintien de l'unité du pays.