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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 20 décembre 2025

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Balzac entre la Pologne et la Russie

Dans "La Fausse Maîtresse", un de ses romans les moins connus écrit en 1841, Balzac met en scène des personnages chevaleresques et romantiques à souhait de nobles Polonais réfugiés à Paris après l'échec de la grande révolte polonaise de 1830-1831 contre la domination russe.

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Dans La Fausse Maîtresse, un de ses romans les moins connus écrit en 1841, Balzac met en scène des personnages chevaleresques et romantiques à souhait de nobles Polonais réfugiés à Paris après l'échec de la grande révolte polonaise de 1830-1831 contre la domination russe.

Son intérêt pour la Pologne était sans doute lié à sa relation avec Mme Hanska, d'une part, et avec la présence à Paris de Polonais en exil, d'autre part. mais sa vision des relations polono-russes entre en résonance avec le débat sur les zones d'influences impériales dont on perçoit des résurgences en notre époque poutino-trumpienne.

Voici ce que le pourtant très monarchiste et réactionnaire Balzac nous dit de la tentative des Polonais de se libérer de l'emprise russe et de l'image des Polonais en France:

La nationalité polonaise, par l'effet d'une odieuse réaction gouvernementale, était alors tombée aussi bas que les républicains la voulaient mettre haut. La lutte étrange du Mouvement contre la Résistance1, deux mots qui seront inexplicables dans trente ans, fit un jouet de ce qui devait être si respectable: le nom d'une nation vaincue à qui la France accordait l'hospitalité, pour qui l'on inventati des fêtes, pour qui l'on chantait et l'on dansait par souscription; enfin une nation qui, lors de la lutte entre l'Europe et la France, lui avait offert six mille hommes en 1796 et quels hommes !

1 dans le monde de Balzac, le parti du Mouvement était celui des orléanistes libéraux, soutenu tactiquement par les Républicains et les Bonapartistes, alors que la Résistance désignait les légitimistes refusant le nouveau régime issu de la Révolution de Juillet 1830.

Mais notre grand romancier ajoute prudemment:

N'allez pas inférer de ceci que l'on veuille donner tort à l'Empereur Nicolas2 contre la Pologne, ou à la Pologne contre l'empereur Nicolas, Ce serait d'abord une assez sotte chose que de glisser des discussions politiques dans un récit qui doit ou amuser ou intéresser. Puis, la Russie et la Pologne avaient également raison, l'une de vouloir l'unité de son Empire, l'autre de vouloir redevenir libre. Disons en passant que la Pologne pouvait conquérir la Russie par l'influence de ses mœurs, au lieu de la combattre par les armes, en imitant les Chinois, qui ont fini par chinoiser les Tartares, et qui chinoiseront les Anglais, il faut l'espérer.

2 il s'agit du tsar Nicolas 1er, qui organisa la féroce répression de l'insurrection polonaise.

Tout en critiquant, au nom de ses propres valeurs aristocratiques, l'attitude anti-polonaise de la monarchie française et la versatilité de l'opinion publique:

On faignit de regarder les Polonais comme les alliés du parti répuiblicain sans songer que la Pologne était une république aristocratique. Dès lors la bourgeoisie accabla de ses ignobles dédains le Polonais que l'on déifiait quelques jours auparavant. Le vent d'une émeute a toujours fait varier les Parisiens du Nord au Midi, sous tous les régimes.

On voit que toutes les raisons de laisser tomber l'Ukraine que nous dévident les campistes pro-russes d'un côté et les affairistes pragmatiques de l'autre, étaient déjà bien présentes il y deux siècles à propos de la Pologne, même si à l'époque la question de l'appartenance de l'Ukraine à la Russie ne se posait pas encore. Ironie de l'histoire, la noblesse polonaise était propriétaire de grands domaines en Ukraine Occidentale, et Mme Hanska, lorsqu'elle épousa Balzac en secondes noces, dut renoncer à ses propriétés ukrainiennes au profit de sa fille.

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