Pagina/12 a publié sous ce titre (numéro du samedi 18 avril, page 8) un retentissant papier de J. Elbaum, ancien directeur exécutif de la DAIA (équivalent argentin du CRIF et comme lui contrôlé majoritairement par les supporters de Netanyahou); il y décrit les liens établis entre le feu procureur Nisman, la droite républicaine américaine et le fonds-vautour NML Elliott de Paul Singer.
On savait déjà de source Wikileaks que Nisman et Stiuso, l'ex-directeur des opérations de la SIDE, au lieu de mener une enquête indépendante sérieuse sur l'attentat de l'AMIA à partir des éléments disponibles sur place (et en particulier les relevés d'appels téléphoniques des suspects de la piste syro-libanaise) s'étaient contentés de servir de relais aux productions de la CIA et du Mossad, Nisman allant jusqu'à faire réviser les brouillons de ses rapports par l'ambassade des Etats-Unis.
Pis encore: l'équipe de procureurs qui a repris l'enquête après la mort de Nisman a commencé à dépouiller ses dossiers. Ils se sont aperçus que les fichiers d'appels téléphoniques livrés au SIDE il y a douze ans à la demande de Nisman n'avaient apparemment jamais été exploités par Stiuso. Pendant dix ans, en un numéro de duettistes bien rodé, Nisman s'est contenté de réclamer ces analyses une ou deux fois par an, Stiuso alléguant de difficultés techniques non spécifiées pour justifier de l'absence de résultats (en réalité, la SIDE disposait déjà à l'époque pour faire du croisement de données du système américain Excalibur et aurait pu réaliser ce travail en quelques jours.) Soit ce travail a bel et bien été fait puis mis aux oubliettes parce que les résultats obtenus ne cadraient pas avec les hypothèses de travail imposées par la CIA et le Mossad, soit Stiuso, en bon fainéant argentin, n'a jamais éprouvé le besoin de se mettre au boulot puisque ces services étrangers bossaient à sa place (certes avec leur propre agenda, mais ce n'était pas un problème pour Stiuso dont toute l'ascension au sein de la SIDE s'était déroulée sous l'égide de la CIA et du Mossad.)
Stiuso s'est fait virer en décembre dernier, lorsque la présidente s'est (enfin) rendue compte qu'il complotait à l'encontre de son propre gouvernement; il s'est enfui en Uruguay fin décembre et refuse depuis de rentrer en Argentine rendre des comptes sur ses activités passées (aux dernières nouvelles, il serait peut-être à Miami...)
Elbaum (lui-même membre de l'aile gauche de la communauté juive argentine) décrit en détail l'étroite coordination qui s'était mise en place tout au long des deux dernières années entre Nisman, Eliaschev (un journaliste argentin d'opposition mort récemment), la DAIA et l'aile droite de la communauté juive américaine (dont fait partie le fameux vautour en chef Paul Singer, principal meneur dans le procès intenté par les fonds vautours contre l'État argentin) en vue de combattre le mémorandum qui avait été négocié entre l'Iran et l'Argentine.
Dans ce contexte, une question qui se pose est de savoir d'où proviennent les 600 000 dollars dissimulés par Nisman sur un compte de Merrill-Lynch mis au nom de sa mère et de sa soeur mais dont lui-même était en réalité le détenteur.
Mise en cause pour blanchiment, la mère de Nisman a admis avoir servi de prête-nom à son fils mais semble ne rien savoir de la manière dont ce compte était alimenté.
Parmi les sources possibles de cette importante somme d'argent, pourraient figurer des détournements de fonds en liquide de la SIDE ou de la procurature spéciale que dirigeait Nisman, ainsi que le produit d'extorsions réalisées par Nisman à l'encontre de sa dizaine d'employés contractuels (Lagomarsino a expliqué que Nisman l'obligeait à lui reverser près de la moitié de son salaire nominal; en analysant lesvolumes et la périodicité des mouvements sur ce compte, on pourrait estimer la plausibilité de ce que raconte Lagomarsino) ou bien des rémunérations pour services rendus versées par les services étrangers avec lesquels Nisman coopérait au point de ne plus mener aucune enquête indépendante, voire par les fonds vautours américains avec qui il était devenu comme cul et chemise.
La justice argentine a demandé aux Américains de lui transmettre l'ensemble de l'historique des mouvements réalisés sur ce compte. On en saura peut-être bientôt un peu plus sur le fonctionnement de ce réseau de corruption et de blanchiment au profit de Nisman.