On peut commencer par mentionner les Argentins honoraires que furent René Goscinny et Hugo Pratt, et s'il n'y eut pas d'Astérix en Argentine, il y eut bien une incursion de Corto Maltese dans l'Argentine corrompue des années 20 (l'album appelé "Tango").
Une liste des principaux auteurs argentins de romans graphiques doit commencer par Hector German Oesterheld (qui fut avec ses quatre filles, un des nombreux "disparus" assassiné en 1977 ou 1978 par la dictature militaire, la date exacte de sa mort n'est pas connue avec certitude) immortel auteur de l'Éternaute, une BD de science-fiction des années 60 à l'atmosphère suffocante et d'une grande modernité graphique, très proche dans son esprit du fameux film "Invasion" (réalisé par H. Santiago sur un scénario de J-L. Borges) et donc très loin de Flash Gordon (qui fut rebaptisé Guy l'Éclair dans le journal de Mickey) et autres super-héros de merde venus d'Amérique.
Sa fin tragique a fait d'Oesterheld une icône des mouvements anti-impérialistes en Argentine (il produisit également avec son collègue Breccia une biographie de Che Guevara qui fut rapidement interdite, et un scénario pour une vie d'Eva Peron). Le masque de l'Éternaute a été repris (on plutôt récupéré) par la Campora sous l'aspect du "Nestornaute" sur des sérigraphies qui fleurirent sur les murs de Buenos Aires après la mort de Nestor Kirchner.
Également bien connu en France, le tandem Muñoz et Sampayo avec ses héros de roman noir américain (Alack Sinner, Sophie...) et leur biographie de Carlos Gardel qui n'occulte pas les facettes les plus détestables du personnage, comme ses liens avec le milieu (Sinatra n'a rien inventé). L'ambiance et le graphisme des histoires d'Alack Sinner se rapprochent du "Sin City" de Frank Miller.
Parmi les auteurs plus récents, je signalerai le fascinant "Rapport visuel sur la ville de Buenos Aires et ses environs" de Carlos Nine et le personnage de Dora créé par Minaverry qui promène son héroïne homosexuelle de l'Allemagne à la banlieue parisienne puis à Buenos Aires dans les années 50 et 60, circulant de la fin du nazisme à l'Argentine dictatoriale et à la France de la guerre d'Algérie.
Pour terminer dans un registre plus léger, l'Argentine nous propose une Mafalda qui aurait vraiment beaucoup grandi, la plantureuse et très pragmatique "Claire de Nuit" (Clara de Noche).