La plupart du temps, les élections intermédiaires argentines sont assez favorables au gouvernement en place (seul De La Rua, dont l'alliance gouvernementale avait déjà implosé, perdit les élections de 2001). Les élections du 22 octobre ont de fait été largement remportées par Cambiemos (l'alliance de l'UCR, de l'ARI et du PRO qui a porté Macri à la présidence il y a deux ans).
Les péronistes sont battus pratiquement partout et en particulier dans toutes les principales provinces et ils ne conservent que des provinces périphériques dont le poids démographique et économique est faible.
La victoire du gouvernement néo-libéral de Macri est surtout la conséquence de la division de ses adversaires et de leur incapacité à se renouveler tant au niveau du programme (si tant est que les péronistes ait jamais eu un programme au sens où nous l'entendons en Europe) qu'au niveau des candidats.
Du fait de la répartition des sièges à la proportionnelle, le principal paradoxe de cette lourde défaite péroniste est que quelques dinosaures péronistes de toutes obédiences (Menem, Adolfo Rodriguez Saa, Cristina Fernandez) parviennent à sauver leurs sièges au Sénat sans permettre pour autant à leurs suivants de liste de les y rejoindre.
D'autres jeunes (et moins jeunes) loups de la mouvance péroniste qui ne faisaient pas mystère de leur intention de postuler aux prochaines présidentielles voient leurs ambitions contrecarrées par ces élections:
le mouvement UnPais de Sergio Massa plafonne à 11% dans la province de Buenos Aires (alors qu'il y avait remporté les élections intermédiaires de 2013 contre les kirchnéristes et été avec 20%des voix le troisième homme et lefaiseur de rois des présidentielles de 2015) ; UnPais disparaît quasi-complètement de la carte électorale dans les provinces (sauf à Santiago del Estero et à Corrientes, il n'atteint nulle part les 10%) ; Massa n'aura plus aucun siège au Sénat et son destin présidentiel semble fortement compromis, ce qui fera pleurer peu de monde, tellement son inconsistance et ses zigzags entre soutien critique à Macri et discours démagogiques pilotés par les sondages lui ont aliéné d'électeurs: son candidat a même perdu contre Cambiemos dans la municipalité de Tigre, ancienne place forte de Massa ;
Randazzo, le candidat officiel du PJ, n'obtient que 5% des voix (moins que les trotskistes !) et aura du mal à exister face aux autres poids lourds du péronisme; que le candidat officiel du PJ fasse un score aussi faible montre à quel point la discipline verticaliste traditionnelle du péronisme a du plomb dans l'aile;
Urtubey,le plus fringant des jeunes gouverneurs péronistes de droite, à profil « people » et Macri-compatible, ne termine que troisième, devancé par les kirchnéristes dans sa province, ce qui montre que reconstruire une synergie électorale entre péronistes de droite, du centre et « de gauche » ne sera pas simple: à Santa Fe, c'est le candidat kirchnériste et ex-ministre de la défense Rossi qui est victime d'un mauvais report de voix de son opposante des primaires (une juge à profil d'incorruptible fort appréciée dans cette province minée depuis des années par le narco-trafic).
La dissidence kirchnériste du PJ nommée Unidad Ciudadana (Unité Citoyenne) créée il y a seulement quelques mois par et pour Cristina Kirchner a nettement perdu « la mère de toute les batailles » dans la province de Buenos Aires ; la démarche de polarisation « Ou Macri ou Cristina » a fonctionné à plein et CFK a parfaitement joué son rôle d'épouvantail pour des classes moyennes qui étaient pourtant seulement à moitié séduites par la gestion technocratique et le discours modernisateur de Macri (dont la pratique du pouvoir est assez similaire dans son contenu néo-libéral comme dans ses recettes « communicantes » à celui de Macron chez nous) ; CFK conserve certes un noyau de soutien inconditionnel dans la grande banlieue sud de Buenos Aires mais sa personnalité narcissique, son passé à la fois affairiste et clivant, et surtout son âge seront un obstacle plus qu'un atout pour une hypothétique remise en marche du Parti Justicialiste.
Les socialistes s'écroulent à Santa Fe, leur fief historique, victimes à la fois de leur propre incurie dans la lutte contre le narco-trafic et la corruption policière et de la polarisation entre macristes et kirchnéristes.
Le reste de la gauche obtient quelques bons résultats dans des provinces comme Jujuy ou Santa Cruz où la brutalité sociale et l'incompétence des autorités locales ont provoqué l'exaspération de larges secteurs de la population: à Santa Cruz, la famille Kirchner s'est abstenue de se présenter au bureau de vote, sauf Alicia, soeur de Nestor et gouverneure en poste, mais qui n'a pu aller voter qu'accompagnée d'une solide escorte militaire.
Les socialistes et le reste de la gauche (en fait deux groupuscules trotskistes qui se tirent la bourre) ne représentent chacun que 5% des voix à l'échelon national. Il n'y a donc aucune alternative progressiste capable de peser face au pouvoir de la pédégécratie macriste et à la déliquescence du péronisme.